Les petits barrages ont un impact beaucoup plus important qu’on ne le pensait sur la diffusion du paludisme en Afrique.
Alors que les barrages sont essentiels pour fournir de l’eau et assurer la sécurité alimentaire dans toute l’Afrique subsaharienne, les petits barrages en particulier présentent un plus grand risque de transmission du paludisme, selon une étude.
Selon les chercheurs, bien que les effets négatifs des grands barrages sur la transmission du paludisme soient connus en Afrique subsaharienne, les preuves des impacts potentiels des petits et des grands barrages font défaut.
Quatre bassins fluviaux
L’étude publiée dans Scientific Reports a examiné les impacts relatifs de petits et grands barrages sur la transmission du paludisme dans quatre bassins fluviaux d’Afrique subsaharienne : la Volta en Afrique de l’Ouest, le Limpopo en Afrique australe, l’Omo-Turkana en Afrique de l’Est et le Zambèze en Afrique australe.
« L’impact global des barrages – grands et petits – sur la transmission du paludisme est beaucoup plus important qu’on ne le pensait auparavant. »
Matthew McCartney, IWMI, Colombo, Sri Lanka
Les chercheurs ont analysé les nouveaux cas de paludisme à partir de la base de données du Malaria Atlas Project pour les années 2000, 2005, 2010 et 2015, en se concentrant sur 4 907 petits barrages et 258 grands barrages dans ces quatre bassins qui comptaient près de 15 millions de personnes vivant à proximité de leurs réservoirs en 2015.
Un plus fort impact des barrages
« Les petits barrages sont responsables de l’essentiel de la transmission du paludisme dans chaque bassin, explique Matthew McCartney, co-auteur de l’étude et chef du groupe de recherche sur les infrastructures et les écosystèmes durables à l’Institut international de gestion de l’eau (IWMI) à Colombo au Sri Lanka. L’impact global des barrages – grands et petits – sur la transmission du paludisme est beaucoup plus important qu’on ne le pensait. »
Matthew McCartney pense que ces foyers de transmission du paludisme devraient être une cible essentielle des futurs efforts de lutte contre le paludisme.
Les petits barrages en cause
Selon l’étude, entre 0,9 et 1,7 million de cas de paludisme par an sont imputables aux barrages, dont entre 77 et 85 pour cent aux petits barrages. « Cela est probablement dû au fait que les populations et les densités de population sont plus importantes à proximité des petits barrages, et parce que les réservoirs des petits barrages ont tendance à fournir un environnement plus propice à la transmission du paludisme », peut-on lire.
Malgré des progrès significatifs dans la lutte contre le paludisme au cours des 20 dernières années, la maladie reste un problème majeur pour l’Afrique subsaharienne. Selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 94% des cas et des décès dus au paludisme sont survenus dans la région Afrique en 2019.
Construire les barrages autrement
« Les gouvernements d’Afrique subsaharienne, l’OMS et les organisations de lutte contre le paludisme en Afrique doivent prendre en compte notre étude, déclare Matthew McCartney. En outre, ceux qui construisent et gèrent des barrages – grands et petits – doivent être conscients du potentiel de ces derniers à augmenter le fardeau du paludisme et ont la responsabilité d’essayer d’en atténuer les impacts négatifs. »
Jonathan Lautze, coauteur et chef de groupe de recherche sur la gestion intégrée des bassins et des aquifères à l’IWMI à Pretoria en Afrique du Sud, confie à SciDev.Net que l’étude a comparé les niveaux de paludisme chez les populations vivant à moins de cinq kilomètres des barrages avec ceux relevés chez les populations vivant à plus de cinq kilomètres.
« L’équilibre est de construire des barrages de manière à garantir que le paludisme n’augmente pas. Atteindre cet objectif peut nécessiter une réflexion plus large et plus ambitieuse sur les efforts de lutte contre le paludisme, la gestion des réservoirs et une approche environnementale, en plus des techniques plus conventionnelles comme la distribution de moustiquaires et la détection rapide », explique-t-il.
Lutte environnementale contre le paludisme
Donald Apat, directeur de programme pour le projet de lutte contre le paludisme du Fonds mondial à Amref Health Africa, convient que les barrages ont des effets négatifs sur l’environnement, parmi lesquels la création de zones de reproduction pour les moustiques.
« Les populations humaines augmenteront toujours près points d’eau et cela accroît le contact avec le vecteur du parasite du paludisme », explique D. Apat, qui affirme que peu d’accent est mis sur la gestion environnementale dans la lutte contre le paludisme.
Le chercheur ajoute : « Nous avons besoin d’une approche multisectorielle qui rassemble des experts de la santé, des concepteurs de barrages et des ingénieurs pour s’assurer que des mesures de contrôle environnemental sont prises en compte dans les projets de barrages hydrauliques. »
Eldon Opiyo
Cet article a d’abord été publié par SciDev.Net.