Alors que le monde est aux prises avec des défis multiformes, il aura besoin de la diplomatie scientifique pour trouver l’unité nécessaire, déclare Naledi Pandor, ministre des Relations internationales et de la Coopération d’Afrique du Sud.
La ministre sud-africaine des relations internationales et de la coopération, Naledi Pandor, avait un message important à transmettre aux participants du cours annuel de diplomatie scientifique organisé par TWAS en collaboration avec l’American Association for the Advancement of Science (AAAS) : plus que jamais, la solidarité mondiale et le multilatéralisme sont nécessaires pour construire un monde où personne n’est laissé pour compte, et la diplomatie scientifique fera partie de cette formule.
N. Pandor était l’oratrice principale du cours AAAS-TWAS de cette année sur la diplomatie scientifique. Initiative mondialement respectée dans son domaine, le cours s’est tenu du 27 août au 3 septembre et, pour la deuxième année, était entièrement virtuel.
Qui est Pandor?
Avant son poste actuel, N. Pandor a occupé de nombreux postes ministériels depuis 2004 : ministre de l’Éducation, ministre des Sciences et de la Technologie, ministre de l’Intérieur, ministre des Sciences et de la Technologie et de l’Enseignement Supérieur et de la Formation. Elle a participé et pris la parole à de multiples réunions générales de TWAS, notamment à la vingtième, qui s’est tenue à Durban en 2009, et à la vingt-sixième, à Vienne, en 2015. Elle est également la lauréate du prix AAAS 2016 pour la diplomatie scientifique.
Sudip Parikh, PDG de l’AAAS et éditeur exécutif de la famille de revues Science, a engagé une conversation avec N. Pandor au cours de laquelle ils ont approfondi son rôle de première diplomate d’Afrique du Sud et la stratégie de diplomatie scientifique de la nation africaine. S. Parikh a loué le leadership de Pandor dans la promotion du multilatéralisme et la réponse à la pandémie de COVID-19, où elle a appelé à des vaccins abordables.
Les gouvernements prêtent attention à la diplomatie scientifique
N. Pandor a déclaré que la COVID-19 a incité les gouvernements qui n’ont pas prêté attention à la diplomatie scientifique à reconsidérer leur position. La politique et la science sont clairement liées dans cette pandémie comme jamais auparavant, car les décideurs politiques et les scientifiques doivent travailler ensemble sur des tâches urgentes telles que l’acquisition et la livraison de vaccins.
« Pour moi, la pandémie de COVID-19 a été une imbrication très intéressante entre la science et la diplomatie, et je trouve que c’est une étude fascinante du domaine du cours sur lequel vous vous concentrez, a déclaré Mme Pandor aux participants. Mais notre monde, comme toujours, a besoin d’une diplomatie scientifique et de conseils scientifiques de meilleure qualité, et donc, je pense vraiment qu’un cours comme celui-ci est extrêmement important et je pense que les deux organisations – TWAS et AAAS – doivent être félicitées pour avoir investi dans la formation de la prochaine génération de diplomates scientifiques. »
La science, au cœur des défis des sociétés
N. Pandor a déclaré que la science est au cœur de tous les grands défis auxquels les sociétés sont confrontées et auxquels les gouvernements doivent trouver des réponses. La COVID-19 est un exemple d’une telle énigme scientifique, alors que les gouvernements du monde entier se demandent comment utiliser au mieux les avis scientifiques.
« Pour nous, une diplomatie réussie nécessite des avis scientifiques faisant autorité, et je pense que la coopération internationale est plus que jamais cruciale pour le progrès de la science, a-t-elle déclaré. La meilleure science que j’ai vue provient d’un mélange de participants de différents pays. »
La productivité scientifique individualisée est terminée
Selon elle, le temps de la productivité scientifique individualisée est terminé. Pour produire la meilleure science, les scientifiques et les décideurs doivent comprendre la diversité des contextes et des intérêts en jeu dans toute question, puis réunir divers esprits scientifiques pour délibérer. Ils devront également partager les infrastructures de recherche.
« Certains pays pensent qu’ils ont la capacité de travailler seuls. Mais comme je l’ai dit, la meilleure science vient de la coopération et de la collaboration, a expliqué N. Pandor. Cela signifie qu’une coopération internationale accrue est vitale. »
La diplomatie scientifique permet de construire un « monde solidaire »
Elle a ajouté que la diplomatie scientifique serait utile pour aider à construire un monde plus équitable, plus juste et plus solidaire. La science a des valeurs liées à l’intégrité – comme l’objectivité, l’honnêteté, l’équité, la responsabilité et l’intendance – qui sont aussi des valeurs que les gens pourraient s’attendre à voir dans la gouvernance également.
« Si nous ne coopérons pas, alors nous pensons que les solutions, les produits, les réponses que nous développons sont pour notre seul usage, et nous ne tenons pas compte du reste du monde, a-t-elle déclaré. Mais si nous travaillons sur la base de la diplomatie, alors nous comprenons que ce que nous développons doit avoir un impact égal pour tout le monde. »
« S’il y avait plus de diplomatie scientifique dans le développement des vaccins [….], nous aurions fait en sorte de fournir des vaccins en tant que bien public, a-t-elle développé. Mais parce que nous nous voyons encore en termes étroits et nationalistes, nous refusons à la science l’impact mondial qu’elle devrait avoir. »
Les scientifiques font une grande différence
Les gouvernements peuvent parfois prendre les scientifiques pour acquis, a-t-elle ajouté. La présence de scientifiques dans les environnements législatifs fait pourtant une grande différence, tout comme l’ouverture aux partenariats internationaux.
Le projet de radiotélescope Square Kilometre Array (SKA), qui accueille des télescopes à la fois en Afrique du Sud et en Australie et implique un partenariat avec huit autres pays, en est un excellent exemple.
SKA, une collaboration réussie
N. Pandor a déclaré que si le SKA a été une collaboration internationale réussie, c’est en partie parce que les scientifiques ont eu un rôle de premier plan dans la définition de la nature du programme. Et une collaboration à travers le monde était nécessaire pour en faire une réalité.
« Il rassemble des pays qui sont très éloignés les uns des autres. Et nos scientifiques, parce que le monde veut un partenariat international dans ce projet, nous ont obligés à travailler ensemble, a-t-elle déclaré. Il y avait une grande compétition, mais une fois qu’il a été décidé que les deux pays – l’Afrique du Sud et l’Australie – accueilleraient les sites, ils ont tous trouvé les moyens de travailler ensemble de manière appropriée. »
Accueillir les femmes dans les sciences
N. Pandor a fait remarquer qu’il est également important d’accueillir les femmes dans les domaines scientifiques. Elle a rappelé qu’elle avait réussi à faire entrer des femmes dans des domaines dominés par les hommes en limitant le processus de candidature aux femmes. Cela s’est révélé un moyen efficace de démontrer que des femmes qualifiées existent, quelles que soient les exigences d’ancienneté du poste.
« Nous continuons à être influencés par nos normes sociales, en discriminant des groupes particuliers, a-t-elle déclaré. Donc, la diversité doit être reconnue comme un impératif important dans notre politique, et je pense que nous devrions poser des questions lorsque nous ne voyons pas de diversité. »
Diplomatie scientifique et établissement de relations
Lorsqu’on lui a demandé quelle part de la diplomatie scientifique consistait à établir des relations, elle a répondu que c’était la clé de tout.
« Vous ne pouvez pas faire tout ce travail sans établir de bonnes relations et avoir des amis avec lesquels vous restez en contact, a-t-elle déclaré. Je pense que nous devrions apprendre que lorsque nous rencontrons les autres, nos intentions devraient être partagées, et nous devrions trouver des moyens de travailler ensemble. »
Sean Treacy
Ce billet a été initialement publié par TWAS.