L’émergence de résistance locale aux traitements crée une menace sanitaire majeure.
Une étude vient de mettre en évidence au Rwanda les premiers cas de résistance à l’artémisinine en Afrique. Ses auteurs appellent dès lors à réaliser des « avancées thérapeutiques » pour maîtriser la nouvelle souche de parasites qui résiste à ce médicament destiné à traiter le paludisme.
Dans ses travaux, l’équipe composée de scientifiques de l’Institut Pasteur, du Centre biomédical du Rwanda, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de l’hôpital Cochin à Paris et de l’université Columbia (New York, États-Unis) s’est focalisée sur l’analyse des échantillons de sang de patients au Rwanda.
Des parasites résistants
D’après Aline Uwimana, directrice de l’unité de gestion des cas de paludisme au Centre biomédical du Rwanda qui a participé à ces travaux de recherche, « le constat a été que les patients ayant été traités avec le médicament antipaludique à base d’artémisinine affichaient toujours des parasites résistants ».
A en croire cette dernière, cette nouvelle résistance aux médicaments antipaludiques à base d’artémisinine peut être associée à plusieurs facteurs de gravité de la maladie.
L’Artemisia annua mise en cause
Des facteurs qui peuvent être liés à certaines défaillances dans les interventions de contrôle de la maladie qui ont fait que le médicament généralement recommandé qui repose sur une combinaison à base d’artémisinine n’offre plus les effets thérapeutiques attendus.
Les chercheurs pensent aussi qu’une série d’échecs cliniques observés antérieurement dans la prescription de ce médicament antipaludique découlent notamment de l’utilisation de l’artemisia annua seule, en poudre ou en tisane, avec le risque d’aggraver l’émergence de formes résistantes de la maladie.
Trouver de nouvelles thérapies
« Cette nouvelle résistance à l’artémisinine peut être attribuée à d’autres facteurs biologiques et environnementaux, mais l’important pour l’instant serait de trouver des alternatives avec de nouveaux outils thérapeutiques », estime pour sa part Patience Nkusi, médecin spécialisé dans le traitement les infections parasitaires au Centre hospitalier universitaire de Kigali.
Cette dernière martèle que « l’une des craintes majeures face à cette nouvelle découverte scientifique est qu’il n’y a pas d’alternative pour substituer un autre traitement approprié à la combinaison à base d’artémisinine pour traiter les formes graves du paludisme ».
Émergence locale
L’utilisation des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (ACT) pour traiter le paludisme à Plasmodium falciparum (la forme la plus résistante de la maladie) est le traitement recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans la mesure où cette maladie est devenue résistante aux autres médicaments, en particulier en Afrique Sub-saharienne.
Bien que la résistance des parasites du paludisme au traitement à base de l’artémisinine ait déjà été observée par le passé dans certains pays d’Asie, c’est la première fois que cela arrive sur le sol africain. Sachant que les chercheurs ont vérifié et confirmé que les parasites résistants trouvés au Rwanda ne viennent pas d’une propagation de ceux d’Asie.
Un problème urgent de santé publique
Sur son site web, l’OMS affirme que « l’apparition d’une résistance de Plasmodium falciparum à l’artémisinine pose un problème de santé publique urgent qui compromet la viabilité des opérations actuellement menées à l’échelle mondiale pour réduire la charge du paludisme ».
Dans leur étude, les chercheurs vont même plus loin en soulignant que cette mutation du parasite responsable du paludisme constitue « une menace majeure pour la santé publique sur le continent africain ».
Un accroissement des cas sévères
D’où la détermination d’Aline Uwimana : « nous devons poursuivre nos recherches afin de mieux comprendre ce mécanisme de résistance à l’artémisinine et proposer d’autres alternatives ».
D’après les résultats d’une récente enquête démographique et de santé réalisée par le gouvernement rwandais, le pays a vu le nombre de cas de paludisme simple passer d’environ un million en 2012 à 4,5 millions en 2016 tandis que les cas de paludisme sévère sont passés de 9 000 à 17 000 au cours de la même période.
Politiques à redéfinir
Si les actions du gouvernement, à l’instar de la distribution de masse des moustiquaires imprégnées d’insecticide, ont permis de réduire considérablement la prévalence de la maladie, les chercheurs trouvent que la découverte de cette nouvelle résistance à l’artémisinine n’est pas à prendre à la légère.
« Cette nouvelle résistance à l’artémisinine exhorte les pays concernés à adopter les combinaisons les plus adaptées dans les politiques thérapeutiques nationales », conclut Aline Uwimana.
Aimable Twahirwa
Cet article d’abord été publié par SciDev.Net.