Les arrêts d’activité dues à la COVID-19 ont donné un coup de fouet au développement de la recherche scientifique dans les pays du Sud.
Les restrictions des voyages internationaux résultant de l’épidémie de COVID-19 accélèrent la tendance vers des publications de recherche centrées sur le Sud, selon des éditeurs.
Cela signifie que les aller-retour sur le terrain depuis l’étranger pourraient se terminer pour les chercheurs des pays développés.
Une collaboration plus équitable
Alors que la pandémie de COVID-19 a interrompu certains programmes de recherche, cette pause offre des possibilités de développer une collaboration plus importante et plus équitable entre les chercheurs du Nord et du Sud, comme l’a souligné le webinaire du Forum d’Oxford sur la recherche pour le développement (OX4RD) le mois dernier (30 juin).
« La reconnaissance de l’expertise des chercheurs du monde entier est importante pour s’attaquer aux problèmes tant mondiaux que locaux, déclare Siân Harris, spécialiste de la communication à l’INASP, organisation de développement international axée sur la recherche.
Apprendre des chercheurs du Sud
Selon S. Harris, l’éventail des réponses à la crise de la COVID-19 a également mis en évidence l’importance d’apprendre des travailleurs de la santé et des chercheurs en Afrique et en Asie.
Le service d’information scientifique AlphaGalileo affirme que la contribution de la recherche dans le Sud, mais surtout en Afrique, doit être reconnue.
Une présence accrue dans les médias
« La recherche menée par les institutions africaines brille par son absence quasi totale dans les médias occidentaux, déclare le directeur général Peter Green. La recherche sur l’Afrique est diffusée par AlphaGalileo, mais elle est toujours effectuée par des organisations basées en dehors de l’Afrique. »
P. Green indique qu’AlphaGalileo s’est déjà efforcé d’encourager la communauté des chercheurs africains à s’engager auprès des médias, en réduisant les tarifs d’abonnement des institutions universitaires africaines et en diffusant gratuitement des informations issues des revues africaines évaluées par des pairs.
The Lancet Regional Health
The Lancet, l’un des principaux groupes de revues médicales au monde, a annoncé The Lancet Regional Health, série de titres en libre accès fondés sur les régions définies par l’Organisation mondiale de la santé, en projet depuis 2019.
Le titre anglophone du Pacifique occidental sera lancé ce mois-ci avec des articles en ligne, tandis que le premier numéro devrait être publié en août, selon le rédacteur en chef Jie Cai. Les cinq autres titres suivront au cours des deux prochaines années.
Faciliter l’échange d’informations
Les auteurs d’articles dont le principal bailleur de fonds se trouve dans un pays à faible ou moyen revenu seront exemptés de frais de publication, mais ceux des pays plus riches devront en payer.
Un porte-parole de The Lancet a déclaré à SciDev.Net que les titres régionaux « viseront à stimuler les discussions et à faciliter l’échange d’informations au sein des communautés et entre celles-ci. »
L’importance de la recherche locale
La recherche locale est « immensément importante et pertinente pour la santé et le bien-être des communautés sous-représentées, déclare le porte-parole du Lancet. Nous voyons une opportunité de promouvoir la meilleure science de ces régions pour faire progresser la santé et améliorer la vie des populations locales. »
Kamran Rafiq, co-fondateur et directeur de la communication de la Société internationale pour les maladies tropicales négligées, déclare que le format en libre accès est « quelque chose à applaudir ».
Soutien au libre accès
Selon M. Rafiq, l’orientation régionale émergente des publications de recherche « pourrait … en fin de compte, constituer la base de preuves qui pourrait changer les modèles opérationnels et la culture pour faciliter l’appropriation des programmes de recherche par les pays [en développement]. »
S. Harris, de l’INASP, affirme qu’il existe un large soutien en faveur du libre accès à la recherche dans le Sud. De nombreuses revues publient des articles en libre accès or, ce qui rend les versions finales des articles accessibles librement et de façon permanente, tandis que les auteurs conservent leurs droits d’auteur.
Surmonter les nouveaux obstacles
Mais, selon S. Harris, ces nouveaux modèles créent également de nouveaux obstacles. « Il existe des défis et des préoccupations bien documentés concernant la reproduction des coûts et des inégalités structurelles du modèle d’abonnement, avec le remplacement d’une barrière de paiement à la lecture par une barrière de paiement à la publication », dit-elle.
Les coûts de publication sont souvent élevés, dit S. Harris, et les dérogations pour les chercheurs du Sud ne sont pas toujours claires. « Nous avons constaté dans nos propres recherches que de nombreux chercheurs paient ces frais de leur propre poche », dit-elle.
Questions de langue
De nombreuses revues du Sud permettent un accès libre sans faire payer des frais élevés aux auteurs, grâce au soutien du gouvernement ou des institutions, ou en faisant appel à des bénévoles. Les nouveaux modèles de revues et de plates-formes de publication de la recherche qui apparaissent dans le monde en développement ont été négligés par la politique scientifique euro-américaine, affirme S. Harris.
La langue est également importante, car de nombreuses revues publient en anglais. « Nous entendons souvent parler des difficultés rencontrées par les chercheurs dont les articles sont rejetés en raison d’un anglais imparfait plutôt que de problèmes liés à la science, explique S. Harris. Il est aussi important de reconnaître les problèmes que la langue peut poser aux lecteurs. Quel impact la recherche peut-elle avoir sur un problème local si elle est rédigée dans une langue que le professionnel de santé, l’agriculteur ou le responsable politique ne peut pas comprendre ? »
Plateformes pour les revues régionales
Les revues existantes au service des communautés locales jouent un rôle important dans la communication de la recherche dans leur pays et au-delà, ajoute S. Harris : « L’INASP estime qu’il est vital que la recherche du Sud devienne plus visible et plus fiable – et cela nécessite une représentation du Sud et l’accessibilité aux revues internationales. »
Elle cite African Journals Online (AJOL), qui héberge 526 revues dont 265 en libre accès, Nepal Journals Online (NepJOL) – plateforme active qui héberge 179 revues – la base de données de revues du Sri Lanka SLJOL et Central American Journals Online (CAMJOL), avec 58 revues.
Une tendance croissante
Kosta Stefanov, directeur de l’information d’AlphaGalileo, affirme qu’une grande partie des recherches publiées aujourd’hui par son service d’information se concentre sur des sujets qui ont souvent une pertinence spécifique dans le contexte mondial du Sud, comme les sciences de la vie, la biologie, les équipements de protection individuelle et, bien sûr, la virologie.
Il prédit que cette tendance se poursuivra « pendant au moins un an ou deux », période au cours de laquelle le paysage de la recherche pourrait s’être élargi pour inclure une plus grande part du monde en développement.
Fiona Broom
Cet article a d’abord été publié par SciDev.net.