En 2019, le rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) rappelait l’ampleur de l’érosion de la biodiversité sur l’ensemble de la planète. Dans ce contexte, l’amélioration des techniques d’exploration de la biodiversité est essentielle pour mettre en place des actions ciblées de protection des écosystèmes.
L’Indonésie est le plus grand archipel du monde, situé entre les océans Indien et Pacifique. Il englobe le cœur du Triangle de Corail, région abritant la biodiversité marine la plus riche de la planète, avec près de 20% des récifs coralliens du monde.
La Papouasie occidentale est une région de l’Indonésie située à l’extrémité nord-ouest de l’île de Nouvelle-Guinée, au nord de l’Australie. Cette région est l’une des dernières zones vierges qui subsistent en Asie du Sud-Est.
Les karsts calcaires de Lengguru ont évolué grâce à des mouvements tectoniques complexes de soulèvement. Au cours des 10 derniers millions d’années, ils ont formé des « îles dans des îles », dont les Raja Ampat, et constituent aujourd’hui un important réservoir de biodiversité avec des niveaux d’endémisme très élevés.
L’expédition scientifique Lengguru
En 2017, l’IRD, le LIPI et l’école polytechnique KP de Sorong ont conduit l’expédition scientifique Lengguru. L’objectif : évaluer la diversité fonctionnelle, génétique et morphologique de plusieurs groupes d’organismes marins (poissons récifaux, échinodermes, coraux durs et gorgones), depuis la surface jusqu’à la zone mésophotique (-100 mètres de profondeur) et même crépusculaire des récifs coralliens.
Les chercheurs ont déployé plusieurs techniques : observations, échantillonnage avec inventaire et description morphologique, caractérisation des individus par code-barres ADN, systèmes vidéo sous-marins appâtés et ADN environnemental (ADNe). L’effort d’exploration et d’échantillonnage s’est concentré sur plusieurs pentes de récifs situés en face des chaînes Kumawa et Lengguru, dans et au large de Triton Bay (de -100 m à la surface), en plongée recycleur en circuit fermé.
Une analyse globale de diversité
Dans cette étude, les chercheurs ont recueilli des échantillons d’eau de mer au cœur du Triangle de Corail. Ils ont rencontré un problème : afin d’identifier précisément les espèces présentes dans la zone grâce à l’ADNe, il est nécessaire que leur code-barres ADN soit déjà connu.
Or, pour beaucoup d’espèces, cette information n’est pas disponible, ce qui empêche de déterminer l’identité ou le nombre d’espèces pour lesquelles la séquence ADN a été retrouvée. Une alternative pour contourner cette limite consiste donc à extraire une diversité d’unités taxonomiques opérationnelles (OTU) du metabarcoding de l’ADNe.
Des prédictions précises
Ainsi, les chercheurs ont modélisé les courbes d’accumulation des OTU sur des échantillons d’eau de mer recueillis. Ils ont obtenu une asymptote atteignant 1 531 OTU de poissons, alors que 1 611 espèces de poissons sont enregistrées dans la région.
Par ailleurs, ils ont également réussi à prédire avec précision la distribution de la richesse des espèces parmi les familles de poissons à partir des asymptotes basées sur les OTU. « Grâce à l’ADNe, nous avons estimé très précisément la diversité des espèces de poissons dans la zone, avec un décalage de moins de 5% par rapport aux observations historiques », souligne David Mouillot, professeur d’écologie marine à l’université de Montpellier, co-auteur de l’étude.
Une technique généralisée
« La technique inaugurée ici dans un point chaud de biodiversité a été déployée et améliorée à de nombreuses reprises depuis cette étude, notamment lors de missions soutenues par les Explorations de Monaco, précise Régis Hocdé, ingénieur de recherche à l’IRD et responsable de l’expédition Lengguru 2017. Cette technique permettra, nous l’espérons, de dévoiler une nouvelle facette de la biodiversité marine mondiale, avec des découvertes passionnantes ! »
Cet article a d’abord été publié par l’IRD.