La connaissance du débit des fleuves, information déterminante pour l’agriculture, la recherche ou la production d’électricité, n’est pas disponible partout depuis le sol. Des satellites peuvent y remédier.
Depuis quarante ans, dans le monde, le niveau d’information sur le débit des fleuves n’a eu de cesse de diminuer, jusqu’à revenir à ce qu’il était au début du XXe siècle. La raison ? Des sous-équipements chroniques de cer- tains pays du Sud ou une culture du secret dans des zones politiquement sensibles.
Or, à l’ère du changement climatique et de la modélisation globale, ces données sont plus que jamais cruciales. Cette réalité a conduit les chercheurs à imaginer une technique pour jauger le débit des fleuves à distance, et notamment grâce à des données satellitaires jusque-là inexploitées.
Satellites d’observation
Depuis les années 1970-1980, les militaires, puis les scientifiques utilisent des satellites pour observer les variations du niveau des océans et détecter des anomalies thermiques ou gravitationnelles. Ces satellites envoient sur Terre des ondes qui sont réfléchies par l’eau. Le temps de trajet aller et retour de l’onde permet de déduire l’altitude de l’eau, son « altimétrie ».
Mais si cette technique est efficace sur de grandes étendues d’eau, elle était difficilement utilisable pour les rivières, à cause des perturbations générées par la végétation et les habitations.
Nouveaux algorithmes
Partant du principe que ces satellites passent un tiers de leur temps au-dessus des continents, au début des années 2000, des chercheurs reprennent les données brutes des satellites ENVISAT et T/P, et développent de nouveaux algorithmes permettant de déduire la hauteur des fleuves, à 30 centimètres près. Entre 2002 et 2010, une équipe de l’IRD calibre la méthodologie sur le bassin de l’Amazone et montre que même de toutes petites rivières peuvent être ainsi surveillées depuis l’espace.
Grâce à ces travaux, un saut qualitatif a lieu en 2016 avec le lancement des satellites Copernicus qui diminuent par trois le niveau d’erreur. Les niveaux d’eau calculés sont désormais accessibles à tous sur le site Hydroweb.
« Notre partenariat avec l’IRD a permis la formation d’étudiants à des technologies qui seront fondamentales pour le suivi hydrologique dans le futur. Aujourd’hui, la CPRM compte une équipe en hydrologie spatiale formée, grâce à l’IRD, au niveau doctorat ou maîtrise. Ces ingénieurs et techniciens contribuent ainsi au suivi hydrologique par satellite des régions reculées, ainsi qu’à l’utilisation de cette nouvelle source d’information pour compléter l’information produite par le Réseau de suivi hydrologique du Brésil. En retour, notre expertise en mesures de terrain et en campagnes fluviales, d’une part, et notre réseau de stations, d’autre part, ont un rôle important pour l’évolution de ces nouvelles technologies, puisqu’ils permettent la validation et le calibrage des données satellitaires. »
Daniel Médeiros Moreira, CPRM (Serviço Geologico do Brasil)
Cet article est reproduit de Science et Développement Durable – 75 ans de recherche au sud, IRD Éditions, 2019