Des scientifiques espèrent que la technologie du « gene drive » permettra de réduire les populations de moustiques vecteurs du paludisme en Afrique subsaharienne.
Les scientifiques espèrent que l’adoption de la technologie du « gene drive » pourrait réduire les populations de moustiques alors qu’ils appellent à de nouvelles innovations dans la lutte contre le paludisme, maladie mortelle répandue en Afrique subsaharienne.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la région Afrique a représenté environ 94% de tous les cas et décès de paludisme dans le monde en 2019. Plus des deux tiers des décès concernaient des enfants de moins de cinq ans.
Génie génétique
La technologie « gene drive » – le génie génétique qui modifie les moustiques du paludisme afin qu’ils puissent transmettre leurs gènes à de grandes populations de moustiques – pourrait contribuer à l’élimination du paludisme en Afrique, selon Krystal Birungi, coordinatrice en entomologie de terrain au consortium de recherche à but non lucratif Target Malaria, en Ouganda.
« Il s’agit d’un moyen rentable d’éliminer les vecteurs du paludisme, et il est simple à mettre en œuvre car ce sont les moustiques eux-mêmes qui font le travail», a déclaré K. Birungi lors d’un camp d’entraînement virtuel du partenariat Roll Back Malaria sur l’innovation dans la lutte contre le paludisme, le 15 novembre 2021.
La technologie complète les interventions
Bien que la technologie ne soit pas sur le marché et qu’elle doive encore être acceptée par le public, si elle est déployée, elle pourrait compléter les interventions existantes contre le paludisme, telles que les moustiquaires imprégnées d’insecticide et les pulvérisations à effet rémanent à l’intérieur des habitations, contribuant ainsi à réduire les cas de paludisme, selon K. Birungi.
« Nous sommes conscients que le niveau de compréhension de toute nouvelle technologie est faible. Il est donc nécessaire de renforcer l’engagement des gens pour qu’ils acceptent mieux ces produits lorsqu’ils seront sur le marché », explique-t-elle.
Ralentissement de la lutte
Selon Fredros Okumu, entomologiste et directeur scientifique de l’Institut de santé Ifakara en Tanzanie, la promotion de la technologie de gene drive intervient à un moment où le rythme de l’innovation pour la lutte contre le paludisme a ralenti au niveau mondial.
« Dans un sens, nos meilleurs outils d’aujourd’hui sont aussi les plus anciens, ce qui implique que l’innovation doit être intensifiée », déclare F. Okumu.
Dans son rapport 2020 sur le paludisme, l’OMS recommande « des interventions mieux ciblées, de nouveaux outils et un financement accru […] pour changer la trajectoire de la lutte contre le paludisme » à l’échelle mondiale, et prévient que la pandémie de COVID-19 pourrait faire reculer encore davantage les progrès.
Outils existants de lutte contre le paludisme
F. Okumu explique que les outils existants de prévention du paludisme, tels que les moustiquaires, les pulvérisations à effet rémanent à l’intérieur des habitations et les larvicides, doivent être transformés grâce à une meilleure gestion, à la recherche et à l’innovation, afin de réduire considérablement les cas de paludisme.
Il ajoute : « Pour que nous puissions opérer le changement que nous souhaitons en vue d’atteindre zéro [cas de paludisme], nous devons disposer d’un outil transformateur qui ne se contente pas de réduire la prévalence de 20%, 30% ou même 50%, mais qui réduise réellement et efficacement la transmission du paludisme. »
L’OMS approuve le premier vaccin contre le paludisme
En novembre 2021, l’OMS a approuvé le premier vaccin contre le paludisme, RTS,S/ASO1, recommandant qu’il soit déployé pour les enfants d’Afrique subsaharienne et d’autres régions où le paludisme est endémique.
Le 2 décembre 2021, le conseil d’administration de Gavi, l’Alliance du Vaccin, a approuvé un investissement de 155,7 millions de dollars US pour soutenir l’introduction, l’approvisionnement et la livraison du vaccin antipaludique pour les pays éligibles à Gavi en Afrique subsaharienne en 2022-2025.
« La grande question est maintenant de savoir comment combiner ce [vaccin] avec les moustiquaires, les pulvérisations à effet rémanent à l’intérieur des habitations et d’autres innovations à venir, afin d’en tirer le maximum d’avantages. L’art de mélanger ces interventions est une composante essentielle de notre transformation à venir », déclare F. Okumu.
Le rythme de la lutte contre le paludisme
Malgré la lenteur de l’innovation dans la lutte contre le paludisme, « des progrès sont réalisés pour fournir de nouveaux outils », déclare Nick Hamon, directeur général de l’Innovative Vector Control Consortium.
N. Hamon attribue cette lenteur aux processus logistiques qu’une innovation doit suivre avant qu’un produit puisse être commercialisé, et à la nécessité de s’assurer que lorsque l’innovation arrive sur le marché, elle aura un impact et sera totalement sûre à utiliser.
« C’est lent parce que c’est plus ou moins le même processus pour développer un insecticide que pour développer un médicament, avec tous les tests de sécurité nécessaires », a déclaré N. Hamon lors de l’événement virtuel.
Syriacus Buguzi
Cet article a d’abord été pubié par SciDev.net.