Comment définir le plus efficacement possible des zones marines à protéger en conciliant plusieurs ODD ?
Les récifs coralliens, qui couvrent seulement 0,1 % des océans, constituent l’habitat de plus de 6 000 espèces de poissons marins et regroupent 70 % de la biodiversité marine connue. Ces poissons représentent aussi une source de nourriture et de revenus essentiels pour de nombreuses populations humaines. Comment concilier ces deux objectifs de façon durable ?
Pour lutter contre une trop forte pression, plus de 2 000 aires marines protégées (AMP), ne couvrant néanmoins que 6 % des récifs coralliens mondiaux, ont été mises en place depuis les années 1980. Ces aires regroupent plusieurs niveaux de protection : des AMP dites « no-take » ou intégrales (où aucun prélèvement n’est autorisé), jusqu’aux AMP « partielles » (où les activités de pêche sont seulement restreintes).
10 % des zones maritimes à protéger
Selon l’ONU, la surface de ces AMP devrait être quintuplée d’ici 2030 pour atteindre la cible 5 l’objectif de développement durable 14 : 10 % d’habitats marins protégés dans le monde. Pour ce faire, les décideurs s’interrogent pour savoir où placer les nouvelles AMP de façon efficace.
C’est dans ce contexte qu’un consortium international, réunissant entre autres, des organismes français, australien, américain et anglais, a étudié la capacité des récifs coralliens à assurer plusieurs objectifs bénéfiques pour l’homme et pour la nature : maintenir une biomasse importante d’espèces commerciales ; conserver la pression d’herbivorie par les poissons, qui limite la croissance des algues et permet le développement du corail ; garantir la diversité fonctionnelle, assurant la résistance et la résilience du fonctionnement des écosystèmes coralliens.
5 % des récifs en bon état
En étudiant les communautés de poissons sur 1 800 récifs coralliens à travers le monde (océans Indien et Pacifique, mer des Caraïbes), dont 106 en AMP, les chercheurs ont montré que seuls 5 % des récifs assurent simultanément un bon niveau (> 75 % des conditions de référence) de biomasse, d’herbivorie et de diversité fonctionnelle.
« Ce premier résultat souligne la difficulté de concilier protection et exploitation des récifs lorsqu’ils sont proches de l’Homme, même en AMP », souligne David Mouillot, de l’université de Montpellier. « Il faut sanctuariser les récifs isolés très rares, seuls à pouvoir assurer les 3 objectifs à bon niveau. C’est le cas du Parc Naturel de Mer de Corail, qui a placé en AMP intégrale tous les récifs isolés au large de la Nouvelle-Calédonie », précise Laurent Vigliola, chercheur à l’IRD, co-auteur de l’étude.
Concilier biodiversité et sécurité alimentaire
Les chercheurs se sont ensuite intéressés aux pays en développement, qui doivent concilier exigences écologiques et sécurité alimentaire, et ainsi trouver un compromis entre exploitation des ressources et conservation de la biodiversité. Pour cela, ils ont simulé l’effet sur les 3 objectifs d’une mise en AMP (intégrale ou partielle) des sites mondiaux sans aucun niveau de protection.
Résultat : lorsque ces récifs sont déjà surexploités, très peu pourraient atteindre le seuil de 75 % de l’état de référence, même en protection intégrale. Toutefois, pour la moitié de ces sites actuellement hors AMP, une mise en protection pourrait améliorer fortement le niveau de ces objectifs. « L’idéal serait une AMP intégrale, qui offre les meilleurs résultats pour les 3 objectifs. Mais une mise en AMP partielle reste très intéressante, notamment pour la biomasse en espèces commerciales et l’herbivorie », détaille Josh Cinner de l’université James Cook, en Australie.
La protection partielle acceptable
Ainsi, la restauration de peuplements de poissons qui remplissent à la fois des objectifs de protection de la biodiversité et de pêche semble illusoire à proximité des zones très peuplées ou sur des récifs déjà très endommagés. Mais une protection ciblant préférentiellement les récifs subissant des pressions humaines plus limitées aurait un effet positif, même avec une restriction partielle. Pour concilier les enjeux sociétaux (sécurité alimentaire, économie) et la préservation de la biodiversité, les AMP partielles peuvent constituer un compromis intéressant.
Ce texte est adapté d’un communiqué de l’IRD.