Les personnes qui ont contracté le virus Ebola en Guinée en 2013-2016 et qui ont survécu ont-elles des problèmes de santé à long terme ? Oui, répond une nouvelle étude, qui montre qu’il faut poursuivre les recherche en dehors des situations d’urgence.
Quatre ans après la fin de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, et alors que la maladie continue de faire des ravages en RDC, la communauté scientifique s’interroge sur les séquelles qui peuvent subsister chez les survivants. Pour en apprendre plus, des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Paris-Est Créteil à l’Institut de recherche vaccinale se sont intéressés à l’évolution du profil immunitaire de ces personnes.
Ils se sont pour cela appuyés sur une cohorte de survivants développée par l’Inserm, l’IRD et le Centre de Formation et de Recherche en infectiologie de Guinée (CERFIG), la cohorte PostEboGui. Ils montrent ainsi la présence de marqueurs immunitaires et inflammatoires à des niveaux anormaux dans le sang, deux ans après la survenue de la maladie.
Séquelles cliniques
Au cours de l’épidémie d’Ebola de 2013-2016 en Afrique de l’Ouest, plus de 28 000 personnes ont été infectées. Plus de 11 000 d’entre elles sont décédées. Si les conséquences à long terme sur la santé des survivants sont encore mal connues, un nombre croissant d’études décrit des séquelles cliniques persistantes chez ces patients, par exemple une fatigue généralisée, des douleurs musculo-squelettiques ou encore des troubles oculaires.
Pour identifier ces problèmes de santé, les équipes de recherche se sont appuyées sur des données issues du suivi de la cohorte PostEboGui. Composée de 802 anciens malades d’Ebola recrutés sur plusieurs centres à travers toute la Guinée, cette cohorte visait à décrire et à analyser les conséquences clinique, immunologiques, psychologiques et socio-anthropologiques de la maladie à virus Ebola sur une période de 2 ans.
Prélèvements sanguins
L’étude, menée par Yves Lévy avec Aurélie Wiedemann à l’Institut de Recherche Vaccinale (VRI, Inserm/Université Paris-Est Créteil), est l’une des premières à s’intéresser au profil immuno-inflammatoire à long terme des survivants d’Ebola.
Les chercheurs se sont fondés sur l’analyse de prélèvements sanguins de 35 individus issus de la cohorte PostEboGui et recrutés pour participer à cette étude en moyenne deux ans après la survenue de leur maladie. Un groupe contrôle a également été mis en place afin de comparer leurs profils immunitaires.
Équipes locales
Chaque patient a été vu à trois reprises pour réaliser ces prises de sang. En outre, des échantillons de salive, d’urine et de sperme ont été analysés pour écarter la présence du virus.
De tels travaux de recherche n’ont été possibles que grâce à l’implication des équipes locales, spécifiquement formées pour manipuler les prélèvements biologiques. Elle est donc le fruit d’une collaboration étroite entre les équipes de l’Inserm et de l’IRD avec les techniciens de laboratoire et les scientifiques guinéens à l’Institut National de Santé Publique (INSP) et au CERFIG.
Profil immunitaire particulier
L’analyse des échantillons sanguins indique que, même lorsque les survivants sont guéris physiquement et n’ont plus de virus détectable, ils présentent encore un profil immunitaire particulier, différent de celui des personnes n’ayant jamais contracté la maladie.
Les chercheurs ont notamment identifié la présence de cellules immunitaires, appelées lymphocytes T mémoires CD4+ et CD8+, spécifiques du virus, qui subsistent deux ans après la maladie dans le sang des 35 survivants. De plus, on retrouve également un nombre plus élevé de lymphocytes T CD8+ cytotoxiques impliquées dans la destruction des cellules infectées ainsi que la présence d’anticorps IgG spécifiques du virus Ebola chez ces survivants.
Marqueurs inflammatoires
Par ailleurs, l’équipe a montré la présence d’une quantité importante de marqueurs inflammatoires dans les échantillons sanguins (cytokines pro-inflammatoires, marqueurs d’activation immunitaire), qui témoignent de la persistance d’une inflammation chez les survivants d’Ebola. Enfin, cette étude a mis en évidence que certains marqueurs immunitaires spécifiques étaient associés à la persistance des symptômes chez ces patients.
Ces résultats soulignent donc l’existence à long terme d’une persistance de l’activité immunitaire spécifique à Ebola et d’une inflammation intense et chronique chez ces anciens malades, deux ans après avoir été infectés par le virus. « Nos travaux soulignent l’importance de réaliser un suivi à long terme des survivants d’Ebola, ce qui avait déjà été mis en avant dans les études portant sur les séquelles cliniques. Il est important de voir comment l’état et le profil immunitaire de ces personnes évolue et si l’on ne s’oriente pas vers une maladie chronique », précise Aurélie Wiedemann.
Alors qu’une épidémie d’Ebola se poursuit en RDC, une nouvelle cohorte comportant un volet sur l’immunité est en cours de développement dans ce pays, suivant une stratégie similaire à celle employée pour mettre en place PostEboGui. Elle sera l’occasion pour les chercheurs de confirmer leurs résultats sur le profil immunitaire des survivants, auprès d’un plus grand nombre de patients.
Ce billet a d’abord été publié par l’iRD.