Dans les années 1980, le monde du développement prend conscience que nombre de ses actions en faveur des pays du Sud sont des réussites partielles, et parfois même des échecs patents.
Dans les années 1980, des géographes, sociologues ou anthropologues de l’IRD œuvrant aux quatre coins de l’Afrique constatent l’absurdité de certains projets de développement, et les effets limités de nombreux autres. Ils vont désormais considérer les politiques et les projets de développement comme un objet de recherche à part entière.
Ils interrogent alors la notion de développement et mènent des recherches sur les interventions elles-mêmes, et plus largement sur le monde du développement, ses acteurs, ses institutions. Leur objectif était de comprendre la façon dont l’aide internationale et les projets des États sont devenus une partie intégrante du quotidien des sociétés, et quels sont leurs effets.
Contexte local et histoire
Loin d’une vision idéalisée, ils ont replacé les interventions dans leur contexte local et dans leur histoire. Ils ont analysé les conflits qu’elles suscitent.
Montrant la diversité des intérêts autour des projets, interrogeant leurs enjeux politiques et les conceptions du « progrès » qu’ils véhiculent, ces travaux novateurs ont contribué à renouveler la compréhension de ce qu’est le « développement ». Ils ont été à la base de la création, en 1991, de l’Association pour l’anthropologie du changement social et du développement (APAD), qui compte près de 300 membres, en Afrique et en Europe.
Rapports entre États, sociétés et monde de l’aide
Les chercheurs ont ensuite exploré les dynamiques des organisations locales, la mise en place des politiques de décentralisation, le fonctionnement concret des administrations nationales ou des centres de santé, les politiques publiques…, apportant des contributions majeures à la compréhension des rapports entre États, sociétés et monde de l’aide, en Afrique et ailleurs.
Ces travaux ont contribué à engager un dialogue à la fois critique et constructif entre les chercheurs, les agents de l’État et les praticiens du développement, au Nord comme au Sud. Certains acteurs du développement n’hésitent plus aujourd’hui à faire appel aux anthropologues pour étudier les effets de leurs actions, et parfois pour mieux les définir.
Cet article est reproduit de Science et Développement Durable – 75 ans de recherche au sud, IRD Éditions, 2019