L’éducation réduit la vulnérabilité des populations face au changement climatique, mais augmenterait aussi les émissions de gaz à effet de serre.
Le développement durable lance des défis aux scientifiques : quels sont les moyens les plus efficaces pour atteindre les résultats souhaités dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la pauvreté, de l’énergie, de l’environnement et de nombreux autres aspects du bien-être? La poursuite de certains de ces objectifs risque-t-elle d’affecter la réalisation d’autres? Une étude publiée dans la revue Nature Sustainability s’est intéressée à différentes relations entre l’éducation et le changement climatique, et les a évaluées simultanément.
« Nous avons examiné comment les changements dans le niveau d’éducation affectent simultanément la croissance démographique, la croissance économique, les émissions de gaz à effet de serre et la vulnérabilité aux impacts du changement climatique. Des études antérieures avaient examiné le rôle de l’éducation dans la vulnérabilité aux impacts du changement climatique et sa relation avec l’augmentation de la population, et aussi séparément avec la croissance économique. Notre étude rassemble ces multiples effets en une seule analyse », explique Shonali Pachauri, co-autrice de l’étude et directrice du programme Transitions vers les nouvelles technologies de l’IIASA.
Impact de l’éducation sur les émissions et sur la vulnérabilité
L’équipe a abordé deux questions principales. Premièrement, ils voulaient déterminer l’effet net de l’augmentation du niveau d’éducation sur les émissions qui sont à l’origine du changement climatique. Il y a en effet des raisons de croire qu’il pourrait conduire soit à une augmentation soit à une diminution des émissions. Deuxièmement, ils ont cherché dans quelle mesure les personnes des pays moins développés pourraient être moins vulnérables si le niveau d’éducation était amélioré.
Les résultats indiquent que l’augmentation du niveau d’éducation d’une population réduit fortement sa vulnérabilité vis-à-vis du changement climatique. Inversement, les populations sont nettement plus vulnérables si les améliorations de l’éducation ralentissent fortement.
Plus d’éducation augmente les émissions
L’un des résultats les plus surprenants de l’étude est que l’augmentation du niveau d’éducation entraîne une légère augmentation des émissions qui sont à l’origine du changement climatique. De nombreuses autres études ont montré que le ralentissement de la croissance démographique entraîne une diminution des émissions. Toutefois, dans ce cas, les auteurs ont constaté que si l’on tient compte de l’augmentation du niveau d’éducation, les réductions d’émissions d’une population plus petite peuvent être plus que compensées par l’impulsion de la croissance économique apportée par l’éducation.
Une deuxième conclusion inattendue a été l’ampleur de l’effet positif de l’éducation sur la vulnérabilité. Si des augmentations optimistes du niveau d’éducation peuvent être réalisées dans les pays en développement à l’avenir, la réduction de la vulnérabilité, telle que mesurée par l’indice de développement humain, peut être assez importante.
De nombreux autres effets possibles
Les auteurs soulignent que les résultats de l’étude sont préliminaires, notamment parce que l’éducation peut avoir de nombreuses répercussions sur les personnes et la société qui ont une importance pour le changement climatique, mais qu’ils n’en ont examiné que quelques-unes. Une meilleure éducation peut, par exemple, accélérer le développement de nouvelles technologies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, modifier les modes de consommation, ou encore changer le comportement politique. Autant d’effets qui n’ont pas été inclus dans l’analyse.
Les résultats de l’étude contribueront à éclairer les discussions sur les politiques visant à favoriser le développement durable. Toutes les politiques n’atteindront bien sûr pas cet objectif de la même manière.
Le monde est complexe
« Le monde est compliqué, il ne faut donc pas s’attendre à ce que les solutions politiques soient simples. L’amélioration de l’éducation a des conséquences extrêmement positives pour les personnes et la société et ce, de nombreuses manières différentes. Nous constatons que c’est vrai aussi pour la réduction de la vulnérabilité aux effets du changement climatique. Dans le même temps, nous ne devons pas nous attendre à ce qu’elle réduise également les émissions à l’origine du changement climatique. Nous aurons encore besoin d’autres approches pour atteindre cet objectif. Pour réduire les émissions, il faut faire en sorte que le système énergétique mondial soit largement exempt de combustibles fossiles. Une meilleure éducation pourrait même contribuer à cette tâche d’une manière que nous n’avons pas examinée dans le cadre de notre étude », conclut l’auteur principal de l’étude, Brian O’Neill, chercheur à la Josef Korbel School of International Studies et au Pardee Center for International Futures de l’université de Denver, aux États-Unis.
Ce billet a d’abord été publié par l’IIASA.