Dans les milieux arides et semi-arides, la prise en compte de l’érosion éolienne est indispensable pour anticiper les évolutions des sols pour l’agriculture.
Dans les années 1930, d’énormes tempêtes de poussières ravagent les cultures du « Dust Bowl », un vaste territoire à cheval entre le Texas, le Kansas et l’Oklahoma, jetant des milliers de paysans sur les routes. Les chercheurs américains s’aperçoivent alors que ces catastrophes sont liées à l’extension des surfaces agricoles qui favorise l’érosion éolienne de sols devenus trop fragiles.
Leurs recherches aboutissent à des modèles d’érosion des sols très précis, mais difficilement transposables aux autres continents.
Érosion éolienne au Sahel
C’est pourquoi, dans les années 1990, des chercheurs de l’IRD et du CNRS entreprennent l’étude de l’érosion éolienne au Sahel, une région cultivée, très peuplée et dont les poussières peuvent aller jusqu’à fertiliser la forêt amazonienne. Ils commencent par décrire le processus à différentes échelles, du grain de sable déplacé sur quelques mètres aux poussières transportées à l’échelle du terroir.
Entre 2006 et 2010, dans le cadre de la campagne AMMA, ils installent au Niger un dispositif pour mesurer les flux de poussières comprenant une tour de 6 mètres et un laboratoire enterré. Il s’agit de connaître le nombre, la distribution en taille et la composition des particules transportées par le vent. Ils installent également trois stations de suivi des poussières, toujours opérationnelles, dans la bande sahélienne, au Niger, au Mali et au Sénégal.
Début de la saison des pluies
Ils montrent ainsi que la période d’érosion éolienne la plus intense au Sahel ne se situe pas lors de la saison sèche, comme attendu, mais au début de la saison des pluies, de mai à juin. Cette érosion est accentuée par la mise en culture des terres ou par le ramassage systématique des résidus agricoles qui conduisent à une quasi-absence de végétation lors de cette période de l’année.
Ces travaux visent entre autres à modéliser la perte progressive de la fertilité des sols sahéliens.
« Les portées ou l’intérêt des recherches sur l’érosion éolienne au Niger, initiées ou développées grâce à l’IRD, se situent à trois niveaux : 1) fondamental, pour la compréhension des processus de cette menace dans le contexte sahélien et nigérien ; 2) académique, à travers la formation de plus en plus d’étudiants dans ce domaine et l’amélioration des modules sur « la gestion et la conservation des terres » via les résultats issus de mesures in situ ; et 3) pratique, via les axes stratégiques de fixation des dunes ou de restauration des terres. »
Amadou Abdourhamane Touré, UAM / FAST / Département de géologie, Niamey, Niger
Cet article est reproduit de Science et Développement Durable – 75 ans de recherche au sud, IRD Éditions, 2019