L’avenir des élèves est compromis alors que les gouvernements de la Malaisie, du Népal et de sept autres pays d’Asie-Pacifique rouvrent les centres commerciaux et d’autres entreprises, mais maintiennent les écoles fermées à cause de la COVID.
Une « catastrophe générationnelle » se profile car les gouvernements donnent la priorité à l’ouverture des centres commerciaux plutôt qu’à celle des écoles, ce qui entraîne d’énormes pertes d’apprentissage, avec quelque 117 millions d’enfants dans le monde encore affectés par des fermetures complètes d’écoles en raison du verrouillage du COVID-19, selon l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).
« Vous ne pouvez pas ouvrir les centres commerciaux et garder les écoles fermées, déclare à SciDev.Net Borhene Chakroun, directeur de la division des politiques et des systèmes d’apprentissage tout au long de la vie de l’UNESCO. Les gouvernements doivent prendre des mesures politiques dès maintenant pour éviter une catastrophe générationnelle dans le futur. Ils devraient rouvrir les écoles dès que la situation sanitaire le permet et n’utiliser leur fermeture qu’en dernier recours. »
Des écoles entièrement fermées dans 9 pays
À la fin du mois dernier, neuf pays – Brunei Darussalam, Fidji, Malaisie, Myanmar, Népal, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Philippines et Sri Lanka – de la région Asie-Pacifique ont entièrement fermé leurs écoles en raison de la COVID-19, ce qui représente 105 millions d’élèves, soit 10% du total. Selon l’UNESCO, 51 millions d’entre eux sont des élèves du primaire.
Mais avec des économies au bord du gouffre et des finances qui s’amenuisent, de nombreux pays de la région comme la Malaisie, le Népal et les Philippines ont rouvert les centres commerciaux, les restaurants et autres établissements commerciaux tout en gardant les écoles complètement fermées.
« Quand l’école rouvrira-t-elle ? »
Altamash, neuf ans, se languit de retourner à l’école. « Quand l’école rouvrira-t-elle ? » est un refrain que sa mère entend chaque matin. Élève de 4e année à Nigam Pratibha Vidhyalaya, dans la banlieue est de Delhi, à Mayur Vihar, en Inde, il déclare : « Mes amis, mes professeurs, la cour de récréation et le repas de l’école me manquent. »
L’enfermement dans un deux-pièces pendant plus de 18 mois n’a pas été facile pour sa famille de six personnes. Jongler avec un seul appareil, un téléphone portable, entre quatre frères pour suivre des cours en ligne a été un autre défi.
La COVID touche 1,6 milliard d’apprenants
En mars 2020, pour empêcher la propagation de la COVID-19, de nombreux pays ont commencé à fermer les écoles et à passer à l’apprentissage à distance, affectant 1,6 milliard d’apprenants dans les pays en développement comme dans les pays développés.
Les écoles ont dû passer du jour au lendemain à l’apprentissage à distance à domicile. La région Asie-Pacifique était largement mal équipée pour cette transition soudaine. De nombreux pays ont dû faire face à des infrastructures limitées, à des services et des appareils Internet coûteux, ainsi qu’à l’état de préparation des enseignants et des apprenants en matière de compétences numériques.
Application du télé-enseignement en Inde
De nombreuses familles ont eu du mal à acquérir ne serait-ce qu’un seul appareil. En Inde, 42% des enfants âgés de 6 à 13 ans ont déclaré n’utiliser aucun type de dispositif d’apprentissage à distance pendant les fermetures d’école. Au Pakistan, 23% des plus jeunes enfants n’avaient accès à aucun dispositif, selon l’UNICEF.
« Il y avait un mythe, dans la première moitié de 2020, selon lequel les écoles peuvent être remplacées par des plateformes en ligne, dit B.Chakroun. Les écoles doivent évoluer pour faire face à l’apprentissage hybride et aux nouvelles modalités pédagogiques. Les modalités d’apprentissage en ligne se sont révélées moins efficaces pour les enfants du primaire et les pertes d’apprentissage ont été énormes dans le monde entier. »
Pendant les fermetures d’écoles, l’enseignement a été dispensé par une combinaison de cours en ligne, de modules et de feuilles de travail imprimés, et de leçons à la radio et à la télévision.
Pour Altamash, qui aime les maths et les sciences et veut être médecin quand il sera grand, ce sont ses frères aînés de 6e et 9e années qui utilisent en priorité le téléphone portable, mais ils l’aident ensuite à suivre ses cours. « Lire sur le petit écran d’un téléphone portable est fatigant, contrairement à ce qui se passe sur un tableau noir. Nos professeurs ont rendu l’apprentissage amusant et les élèves se sont entraidés », dit-il.
Les années formatrices perdues
Les enfants ont manqué l’expérience pratique de l’apprentissage et l’engagement face à face avec les enseignants.
Depuis le début de la pandémie, les écoles ont été complètement fermées pendant une moyenne de 16 semaines dans la région Asie-Pacifique comprenant 47 pays. Si l’on tient compte des fermetures partielles par localité ou par niveau d’enseignement, la durée moyenne des fermetures représente 29 semaines dans les régions, selon les dernières données du Suivi mondial des fermetures d’écoles de l’UNESCO.
Les écoles plus que des lieux d’apprentissage
Pendant les années fondatrices de l’école primaire, qui représentent la première à la sixième année, les écoles sont plus que de simples lieux d’apprentissage. Elles jouent un rôle énorme dans le développement général des compétences cognitives et motrices des enfants.
C’est un lieu où les enfants acquièrent des compétences socio-émotionnelles, telles que le développement d’amitiés avec leurs pairs, l’accès à une bibliothèque, aux sports, aux cours d’art et de musique, aux excursions dans les musées, qui contribuent tous à leur connaissance générale et à leur compréhension du monde. Pour certains, c’est aussi un lieu où le repas scolaire est le seul repas nutritif qu’ils reçoivent dans la journée. Ce développement général et ce bien-être contribuent à leur apprentissage.
L’école primaire a un impact sur le développement de l’enfant
Selon les experts, les pertes d’apprentissage au cours des années fondatrices de la scolarité primaire ont l’impact le plus durable sur tous les aspects du développement de l’enfant.
« Si les enfants n’acquièrent pas les compétences fondamentales à l’école primaire, ils ne pourront pas atteindre leur plein potentiel à l’école secondaire et dans leurs perspectives d’avenir. Nous n’avons pas encore compris toute l’étendue de cet impact négatif profond [des fermetures d’écoles] », déclare la chef d’équipe et conseillère principale en éducation de Save the Children Australia, Nora Charif Chefchaouni.
La pauvreté éducative aggravée
Même avant la pandémie, environ 60% des enfants d’Asie du Sud étaient incapables de lire et de comprendre un texte simple à l’âge de 10 ans. En outre, 12,5 millions d’enfants du niveau primaire n’étaient pas scolarisés, selon une recherche de l’UNICEF.
Cette crise de l’apprentissage existante a été aggravée par les fermetures d’écoles causées par la COVID-19, creusant les inégalités dans les pays en développement de la région.
N. Chefchaouni déclare à SciDev.Net : « La qualité de l’éducation a toujours été une préoccupation. De nombreux enfants passaient leurs premières années d’études grâce à une promotion automatique. Ils n’étaient pas en mesure de lire et d’écrire dans la langue d’enseignement, indispensable pour réussir dans le secondaire et dans la vie. »
Pauvreté d’apprentissage
La Banque mondiale et l’UNESCO ont inventé le concept de Pauvreté d’apprentissage, qui signifie être incapable de lire et de comprendre un texte simple à l’âge de 10 ans. Une étude de l’UNESCO montre que plus de 100 millions d’enfants passeront sous le niveau minimum de compétence en lecture en raison de l’impact des fermetures d’écoles liées à la COVID-19.
« En Asie, les plus touchés sont les enfants des ménages socio-économiques les plus pauvres, ceux des zones rurales et les groupes ethniques des zones montagneuses, car leur langue maternelle n’est pas la langue d’enseignement, explique N. Chefchaouni. De plus, le système éducatif ne fournit pas les aménagements nécessaires aux enfants handicapés et ayant des besoins spéciaux pour qu’ils puissent réaliser leur potentiel. Ces obstacles existants ont été multipliés par la pandémie. »
Les défis de l’enseignement à domicile
Par ailleurs, dans les pays densément peuplés d’Asie, les familles nombreuses résident parfois dans des appartements minuscules et des espaces exigus. Que les jeunes enfants restent concentrés et engagés dans l’apprentissage, avec d’autres distractions dans une maison surpeuplée, peut être un défi.
Dans le quartier Ban Thung de Mae Sot, ville de l’ouest de la Thaïlande à la frontière avec le Myanmar, la plupart des familles de migrants birmans peuvent compter jusqu’à 12 personnes vivant dans une petite maison, faite de bambou et de plastique. Dans un entretien réalisée par courriel par Save the Children, qui gère des projets éducatifs dans les camps de réfugiés à la frontière entre le Myanmar et la Thaïlande, Lin, 12 ans, explique qu’il fait partie des chanceux qui vivent dans une maison en béton avec un accès à Internet et un ordinateur.
« Beaucoup d’enfants [du quartier] ont complètement manqué l’apprentissage. L’enseignant nous envoie les devoirs hebdomadaires via Facebook Messenger, mais beaucoup d’enfants n’ont pas d’appareil ou d’internet », dit Lin.
Sa mère, Nay, estime que son fils n’apprend pas assez et ne comprend qu’une partie des leçons en ligne. « Beaucoup d’enfants ne font que copier et ont perdu tout intérêt pour les études. Je suis instruite et capable de suivre les progrès de mon fils, mais 90% des parents migrants ne sont pas instruits et ne peuvent pas aider leurs enfants à faire leurs devoirs », déclare Nay par courriel.
L’apprentissage des enfants pendant la COVID
Les parents et les soignants ont été les intervenants de première ligne pour les soins et l’apprentissage de leurs enfants pendant la pandémie. Alors que certains parents sont tout à fait capables de soutenir leurs enfants, d’autres sont incapables d’enseigner à leurs enfants pour une multitude de raisons, y compris leur propre niveau d’éducation.
N. Chefchaouni déclare : « Il est très important de faire participer les soignants, les parents et la communauté, car l’apprentissage ne se fait pas seulement dans les écoles. Jamais auparavant, dans une situation d’urgence, nous n’avons autant mis l’accent sur les parents. Cette pandémie a entraîné des niveaux accrus d’anxiété et de stress dans les foyers. Les enfants sont comme une éponge et ils absorbent tout. Nous encourageons les parents à soutenir l’apprentissage de leurs enfants de manière ludique car le bien-être et la continuité de l’apprentissage vont de pair. »
Risque d’abandon définitif
Avec la crise actuelle de la COVID-19, des millions d’enfants touchés par la fermeture des écoles risquent désormais d’abandonner le système éducatif, selon l’UNICEF.
« Nous devons nous assurer que la motivation et le soutien des parents et de la communauté au sens large sont présents pour éviter que davantage d’enfants abandonnent définitivement l’école parce qu’ils ne peuvent pas se débrouiller seuls lorsque les écoles rouvrent » explique N. Chefchaouni.
Les enfants du primaire ont besoin de plus de soutien
Les enfants de l’école primaire ont besoin de plus de soutien dans l’étude de la part des parents et des enseignants, contrairement aux enfants de l’école secondaire, qui peuvent être capables d’étudier par eux-mêmes.
Rena Vaja, de Victorias dans la province de Negros Occidental aux Philippines, déclare : « Les enfants comprennent mieux les leçons dans une classe en face à face. Avec les modules, ce sont les parents qui étudient. C’est nous qui répondons pendant que les enfants écrivent. Je ne suis même pas diplômée, donc je ne peux pas enseigner comme le professeur. Je lutte entre la patience et la frustration, mais nous persévérons car nous voulons que nos enfants soient éduqués. »
L’éducation de qualité, priorité des parents asiatiques
Dans la plupart des pays asiatiques, la priorité absolue de presque tous les parents est d’offrir une éducation de qualité à leurs enfants.
Cette mère de quatre enfants, âgée de 37 ans, a un fils de neuf ans en troisième année. Elle récupère les modules imprimés à son école et elle est reconnaissante envers l’enseignant, qui soutient l’apprentissage et la lecture de son enfant. Les Teacher Fellows sont formés et déployés par l’organisation à but non lucratif Teach for the Philippines pour enseigner dans des écoles publiques à fort besoin.
Dans une interview réalisée par Teach for the Philippines et traduite du philippin, Vaja déclare : « J’ai hâte de voir le jour où je pourrai accompagner mon enfant, élégamment vêtu d’un uniforme, à l’école. Il serait bon de revenir à un véritable apprentissage et à une routine car aujourd’hui, les enfants passent tout leur temps à chasser les oiseaux, à faire du vélo, à jouer. De plus, il a été difficile de travailler à la ferme et de répondre aux besoins des enfants et d’étudier. »
L’éducation assure la réussite des enfants
La plupart des parents asiatiques considèrent l’éducation comme un moyen d’assurer la réussite de leurs enfants dans la vie et de leur donner un avantage concurrentiel sur leurs pairs sur le marché du travail.
Janak Budhathoki veut s’assurer que sa fille de 11 ans et son fils de 6 ans reçoivent une bonne éducation, même si lui-même n’a passé que la huitième année.
Dans un entretien par l’intermédiaire de l’institutrice de sa fille à l’école secondaire Yashodhara Bouddha de Thainatole dans la ville de Lalitpur, au Népal, il déclare : « Les enfants de l’école primaire ne sont pas mûrs pour se concentrer sur l’étude à la maison. Ils ont toujours un prétexte pour échapper à l’étude. Pendant les cours d’éducation physique réguliers, ils apprennent aussi beaucoup d’autres choses, comme les bonnes manières et les compétences de vie. »
Selon les recherches de l’UNICEF, une proportion importante d’élèves et de leurs parents ont déclaré que les élèves apprenaient beaucoup moins par rapport aux niveaux d’avant la pandémie. Au Sri Lanka, 69% des parents d’élèves du primaire ont déclaré que leurs enfants apprenaient « moins » ou « beaucoup moins ».
Développer un meilleur contenu numérique
Alors que les fermetures d’écoles se poursuivent, selon les défenseurs de la cause, il faudrait développer davantage de contenu numérique pour les apprenants du primaire afin de rendre l’apprentissage en ligne plus accessible et équitable.
Le directeur général régional de Microsoft Asie pour l’éducation Larry Nelson déclare à SciDev.Net : « Nous pensons qu’une approche centrée sur l’élève qui met les besoins des apprenants au premier plan en utilisant la technologie est la clé pour conduire l’amélioration des résultats d’apprentissage, l’accessibilité et permettre à chaque enfant de grandir à son propre rythme. »
Récemment, Microsoft a introduit de nouveaux outils tels que Reading Progress pour améliorer les compétences en lecture des élèves à distance. « Les établissements d’enseignement devraient chercher à adopter une approche d’apprentissage hybride, qui offre une expérience d’apprentissage “sans frontières” et combine le meilleur des deux mondes [cours physiques et en ligne], amorçant les enfants pour l’économie numérique et l’avenir du travail », ajoute-t-il.
Plus de 300 écoles fermées au Bangladesh
Le Bangladesh a connu plus de 300 jours de fermeture d’écoles. Mustakima Khanam, chef de projet éducation de Plan International Bangladesh, explique : « De nombreux parents ont eu du mal à assumer les coûts supplémentaires liés à l’enseignement à distance et à l’accès aux cours en ligne, tels que l’achat d’un smartphone ou les frais d’Internet, tandis que d’autres n’ont pas les compétences nécessaires pour utiliser les smartphones pour l’apprentissage à distance. »
Les pertes d’apprentissage vont de 55% en Asie du Sud, où les fermetures d’écoles ont été les plus longues, à 8% dans le Pacifique, où les écoles sont pour la plupart restées ouvertes, selon un rapport de la Banque asiatique de développement (BAD), qui examine les coûts des fermetures d’écoles induites par la pandémie.
« Certaines familles ont déménagé loin des zones urbaines, ce qui signifie que les enfants ont perdu le contact avec leurs groupes d’apprentissage (enseignants et amis). De nombreux parents plus pauvres ont été contraints d’envoyer leurs enfants travailler au lieu de suivre leurs études », dit M. Khanam à SciDev.Net par courriel.
Les enfants risquent le mariage précoce, l’abandon scolaire
Les parents peuvent retirer les enfants de l’école pour les faire travailler, ou les forcer à se marier précocement. On estime que jusqu’à 16 millions d’enfants risquent de ne pas retourner à l’école en raison des impacts économiques de la seule COVID-19, selon un rapport de Save the Children.
L’impact financier négatif de la pandémie a touché les ménages les plus pauvres, impactant les apprenants vulnérables et marginalisés le plus durement.
Valeur de l’avenir des élèves en baisse
La valeur actuelle de la réduction des gains futurs des étudiants est estimée à 1,25 trillion de dollars US pour l’Asie en développement, soit l’équivalent de 5,4% du PIB de la région en 2020, selon le rapport de la BAD.
Le ralentissement économique de la crise ajoute également une pression sur les budgets nationaux de l’éducation. Deux tiers des pays à revenu faible ou intermédiaire inférieur ont réduit leurs budgets d’éducation publique depuis le début de la pandémie, selon un récent rapport conjoint de la Banque mondiale et de l’UNESCO.
« Il est nécessaire de mettre en commun les ressources et les capacités et de collaborer ensemble pour faire progresser l’apprentissage. Nous demandons aux gouvernements de préserver et d’augmenter les budgets de l’éducation et d’allouer des ressources dans les plans de relance à des salaires adéquats et au développement des compétences des enseignants », déclare M. Chakroun.
Le rôle critique des enseignants pour l’orientation
« Les enseignants jouent le rôle de soutien non seulement dans les processus d’apprentissage, mais aussi dans l’intégration sociale et le bien-être des apprenants. Ce rôle est absolument crucial, en particulier pour les enfants de l’école primaire, en raison du processus pédagogique de la première à la sixième année. En donnant plus de pouvoir aux enseignants, on renforcera la résilience du système éducatif, ce qui garantira que l’apprentissage ne s’arrête jamais », ajoute M. Chakroun.
Les recherches de l’UNICEF ont montré que l’implication des élèves et des enseignants, lorsqu’il est régulier et réciproque, est un indicateur fort de la réussite de l’apprentissage des enfants, en particulier pour les plus jeunes. Cependant, après la fermeture des écoles, la plupart des élèves n’avaient que peu ou pas de contact avec leurs enseignants. Dans les écoles primaires privées sri-lankaises, 52% des enseignants ont déclaré contacter leurs élèves cinq jours par semaine, mais ce chiffre est tombé à seulement 8% pour les enseignants des écoles primaires publiques.
« La plus grande préoccupation concerne l’opérationnalisation de l’apprentissage et le soutien aux enseignants. L’évaluation formative continue et la volonté des enseignants de suivre les progrès des élèves, en particulier ceux qui sont à la traîne, sont devenues très importantes. Parfois, les enseignants sont plus préoccupés par l’achèvement du programme d’études, qui est souvent aussi chargé », explique Brajesh Panth, chef du groupe du secteur de l’éducation de la BAD.
« Pour transformer la crise en opportunité, il sera vital d’assurer la qualité de l’éducation et de supprimer les inégalités croissantes en matière d’apprentissage », dit B. Panth. Singapour, par exemple, a réduit et rendu le contenu plus pertinent et ciblé avec “Teach Less, Learn More.”
Des écoles entièrement ouvertes dans 23 pays
À la mi-septembre 2021, les écoles étaient entièrement ouvertes dans 23 pays représentant 521 millions d’élèves au total, dont 227 millions d’élèves du primaire. À la mi-septembre 2020, les écoles étaient entièrement ouvertes dans 27 pays, représentant 73 millions d’élèves au total, dont 33 millions d’élèves du primaire. [Le nombre total d’élèves impactés dépend de la taille de la population des pays]. Quatorze pays ont maintenant rouvert partiellement les écoles, selon l’UNESCO.
De nombreux parents sont inquiets à l’approche de la réouverture des écoles. Elaine Teh a un enfant de 10 ans et un autre de 8 ans inscrits à l’école publique locale de Penang, en Malaisie. Elle déclare : « Mes enfants souhaitent aller à l’école pour voir leurs amis en personne. Je suis face à un dilemme car le fait que les enfants retournent à l’école signifie qu’ils auront un environnement d’apprentissage adéquat, mais avec les cas de COVID-19 toujours très élevés, je suis inquiète de les exposer au risque de contracter le virus. »
Changements comportementaux chez les enfants pendant le confinement
Certains parents disent avoir remarqué des changements de comportement chez leurs enfants pendant les cinfinements. Isolés de leurs camarades, ils ne sont pas aussi heureux et insouciants que lorsqu’ils étaient à l’école. D’autres s’ennuient tout simplement et ne sont pas motivés pour étudier ou jouer. D’autres encore disent que leurs enfants sont devenus irritables et agressifs.
L’UNESCO travaille avec des partenaires pour développer des outils permettant de mesurer le bien-être global des enfants. « Nous avons identifié trois mesures politiques qui peuvent être mises en place. La première consiste à s’organiser dans les écoles pour assurer une interaction avec les apprenants et les parents qui sont essentiels dans cet aspect, par exemple en mettant en place un canal de communication WhatsApp. Deuxièmement, la formation des enseignants sur la manière de gérer leur propre bien-être et de prendre en compte le bien-être des apprenants. Troisièmement, inclure le bien-être physique et psychologique dans le financement de l’éducation et l’allocation des ressources » déclare M. Chakroun.
Des enfants ont perdu leurs parents à cause de la COVID
La pandémie a également eu pour conséquence qu’au moins deux millions d’enfants de moins de 18 ans ont perdu une mère, un père et/ou un grand-parent qui vivait dans leur foyer à la fin juin 2021, selon une étude du Lancet.
« Les régions qui connaissent des poussées de COVID-19, en particulier celles qui ne sont pas suffisamment protégées par le vaccin, connaîtront des poussées du nombre d’enfants perdant leurs soignants. La planification et la fourniture d’une réponse d’urgence aux niveaux national et local doivent anticiper et répondre aux besoins des enfants confrontés à l’orphelinat et aux vulnérabilités qui en découlent », déclare Susan Hillis, conseillère technique principale, Centers for Disease Control and Prevention, COVID-19 International task force.
Les estimations minimales de la perte de personnes s’occupant directement ou indirectement d’enfants en Asie du Sud-Est sont estimées à 217 700 et celles du Pacifique occidental à 13 330.
Pays insulaires du Pacifique
Dans les pays insulaires du Pacifique, l’impact sur l’éducation dû à la pandémie peut être classé en deux catégories, explique Michelle Belisle, directrice de l’organisation régionale de développement, le Programme d’évaluation et de qualité de l’éducation (SPC) de la Communauté du Pacifique (EQAP) à Fidji.
« Tout d’abord, de nombreux pays insulaires du Pacifique se sont préparés de manière proactive à l’éventualité d’une fermeture, même s’ils n’ont pas enregistré un seul cas de COVID-19 à ce jour. D’autre part, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Fidji ont connu de longues perturbations et les élèves en ressentent l’impact dans ces pays », dit M. Belisle.
Fiji ferme les écoles deux fois en 2 ans
Les Fidji avaient fermé les écoles de mars à juin 2020, puis les ont à nouveau fermées en avril 2021. Les écoles primaires restent encore fermées aujourd’hui.
« Deuxièmement, de nombreux pays s’appuient sur une assistance technique et, dans de nombreux cas, sur des hauts fonctionnaires d’Australie et de Nouvelle-Zélande, grâce auxquels divers experts viennent travailler avec les ministères de l’éducation. En mars 2020, ces personnels techniques expatriés ont été rappelés par leurs gouvernements. Donc, ces pays sont à court de personnel dans des postes clés et ont eu du mal à mener à bien leurs opérations quotidiennes au cours des 18 derniers mois, ce qui a finalement un impact sur les enfants, » ajoute-t-elle.
Etudier les impacts de la COVID sur les élèves
EQAP travaille avec les pays pour essayer de comprendre l’impact des 18 derniers mois sur les élèves des écoles primaires. Dans le cadre de ses questionnaires d’évaluation de la littératie et de la numératie pour les élèves de 4e et de 6e année, en 2021, il a inclus des questions pour explorer quelles mesures ont été adoptées pour assurer l’apprentissage pendant les fermetures d’écoles et combien de temps d’absence de l’école les élèves ont connu.
« Ces données, compilées à côté de leurs données sur la littératie et la numératie, aideront les systèmes éducatifs à avoir une image plus claire et à comparer les résultats de 2021 aux années précédentes pour comprendre où ils s’attendent normalement à ce que les élèves soient à la fin de la 6e année par rapport aux élèves qui, dans certains cas, ont manqué une quantité importante d’école », dit M. Belisle.
Régression des acquis scolaires de 20 ans
On estime que les perturbations de l’éducation résultant de la pandémie de COVID-19 ont retardé de 20 ans les progrès en matière de gains éducatifs.
Pour protéger les enfants des écoles primaires, la Coalition mondiale pour l’éducation (GEC) de l’UNESCO a aidé les pays à se doter d’outils pour renforcer leur capacité à migrer de l’apprentissage scolaire de base vers l’apprentissage hybride à distance et à former les enseignants à l’utilisation de plateformes en ligne. Elle travaille avec différents partenaires en Afrique et en Amérique latine, en Asie avec le Partenariat mondial pour l’éducation, et dans les Caraïbes avec CARICOM pour former les enseignants au développement de ressources éducatives ouvertes et de modalités d’apprentissage à distance.
Dans le Pacifique, GEC a travaillé en partenariat avec Moodle, une plateforme d’apprentissage en ligne à code source ouvert, ainsi qu’avec d’autres partenaires tels que la Khan Academy pour revigorer et développer davantage les plateformes en ligne qui préexistaient à la crise du COVID-19. Elle a également travaillé avec Vodafone pour offrir un accès « à coût zéro » aux données et ressources numériques à Samoa.
Soutien à la réouverture des écoles
L’UNESCO a fourni un soutien politique et des conseils aux pays sur la façon d’ouvrir les écoles en toute sécurité, de donner la priorité aux enseignants dans la campagne de vaccination, et d’organiser des cours de rattrapage et de veiller à ce que les pertes d’apprentissage soient compensées le plus rapidement possible par différentes modalités.
Le Cadre pour la réouverture des écoles fournit des conseils pratiques et flexibles aux gouvernements nationaux et locaux et les aide dans leurs efforts pour ramener les élèves à l’apprentissage en personne.
Cependant, avec le plus transmissible variant delta du nouveau coronavirus qui s’installe dans la région et en l’absence de vaccins adéquats, les fermetures d’écoles pourraient se poursuivre dans certains pays comme les Philippines, qui sont l’un des deux seuls pays au monde à ne pas encore avoir repris les cours en présentiel depuis le début des confinements en mars 2020 selon l’UNICEF. L’autre pays est le Venezuela.
Personne ne sait comment ces ouvertures et fermetures erratiques, qui affectent la normalité et la régularité de l’apprentissage, se dérouleront sur le long terme – il n’y a pas de précédent dans la région.
Neena Bhandari
Cet article a d’abord été publié par SciDev.net.