Le méthane est un gaz qui mérite plus d’attention dans le débat sur le climat car il contribue à près de la moitié du réchauffement climatique d’origine humaine à court terme. Une nouvelle étude de l’IIASA montre que la mise en œuvre de technologies disponibles qui limitent les rejets de méthane dans l’atmosphère permettraient de limiter ce réchauffement.
Selon une étude publiée dans la revue Environmental Research Communications, on peut réduire le réchauffement climatique à court terme en ciblant le méthane grâce à la mise en œuvre rapide de technologies visant à empêcher son rejet dans l’atmosphère. Cela pourrait atténuer certains des effets du changement climatique, par ailleurs très coûteux, qui sont attendus au cours des prochaines décennies. Pour parvenir aux réductions importantes des émissions de méthane d’origine humaine nécessaires pour respecter l’accord de Paris, nous devons toutefois savoir exactement où et à partir de quelles sources les émissions sont produites, afin que les décideurs politiques puissent commencer à élaborer des stratégies pour contenir le méthane et sa contribution au réchauffement climatique.
« Pour élaborer des stratégies politiques visant à atténuer le changement climatique par la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre autres que le CO2, tel le méthane, nous avons besoin d’inventaires détaillés des sources et des lieux des émissions actuelles dues à l’homme, de construire des scénarios pour l’évolution prévue de ces émissions, d’évaluer le potentiel de réduction des émissions futures et d’estimer les coûts de la réduction des émissions. Dans cette étude, nous avons examiné les émissions mondiales de méthane ainsi que les potentiels et les coûts de réduction technique à l’horizon 2050 », explique l’auteur principal de l’étude, Lena Höglund-Isaksson.
Une évaluation en partant du terrain
En utilisant le modèle GAINS (Greenhouse Gases – Air Pollution Interactions and Synergies) de l’IIASA, les chercheurs se sont efforcés de déterminer dans quelle mesure l’inventaire à partir du terrain permise par GAINS des émissions de méthane au niveau des pays et des secteurs sources entre 1990 et 2015 correspond aux estimations de la concentration mondiale de méthane mesurée dans l’atmosphère. En outre, ils voulaient savoir quelle serait la quantité de méthane émise dans le monde jusqu’en 2050 si nous ne prenions pas de mesures supplémentaires pour réduire les émissions.
Les résultats montrent qu’au niveau mondial, l’inventaire du méthane de GAINS correspond assez bien à l’estimation de la contribution des émissions de méthane d’origine humaine à la concentration de méthane dans l’atmosphère. Une correspondance raisonnable entre ces deux types d’évaluations, tant au niveau mondial que régional, est importante pour la confiance dans les inventaires à partir du terrain, qui sont une condition préalable pour que les stratégies politiques soient perçues comme « assez certaines » par les parties prenantes à l’atténuation du changement climatique.
Des causes régionales à l’augmentation
L’analyse a révélé une forte augmentation des émissions après 2010, ce qui confirme les mesures de l’augmentation de la concentration atmosphérique de méthane au cours des dernières années. Selon cette étude, celles-ci s’expliquent par l’augmentation des émissions de méthane provenant de la production de gaz de schiste en Amérique du Nord, l’augmentation de l’extraction du charbon dans des pays autres que la Chine, par exemple en Indonésie et en Australie, et l’augmentation de la production de déchets et d’eaux usées due à la croissance démographique et au développement économique en Asie et en Afrique. En outre, les résultats ont montré une augmentation faible mais constante des émissions provenant de la production de viande de bœuf et de produits laitiers en Amérique latine et en Afrique, ce qui souligne à quel point la répartition des secteurs sources d’émissions est différente dans les différentes régions du monde.
Les résultats montrent en outre que sans mesures de contrôle des émissions de méthane, il y aurait une augmentation des émissions mondiales d’environ 30 % d’ici 2050. Bien qu’il soit techniquement possible d’éliminer environ 38 % de ces émissions en mettant en œuvre les technologies disponibles, cela signifierait tout de même qu’une quantité importante de méthane serait libérée entre 2020 et 2050, rendant impossible le maintien du réchauffement de la planète au-dessous de 1,5 °C.
Il n’existe pas de solution unique
Cela dit, les chercheurs soulignent que les potentiels de réduction techniques peuvent encore être utilisés pour obtenir des réductions considérables des émissions de méthane à court terme et à un coût comparativement faible. Entre 30 et 50 % des futures émissions mondiales de méthane peuvent être éliminées à un coût inférieur à 50 €/t CO2eq. L’utilisation des combustibles fossiles devra toutefois être réduite progressivement pour faire réellement la différence. Les possibilités de réduction technique sont particulièrement limitées dans l’agriculture, ce qui laisse penser que ces émissions doivent être traitées par des mesures non techniques, telles que des changements de comportement pour réduire la consommation de lait et de viande, ou des réformes institutionnelles et socio-économiques pour s’attaquer à l’élevage des petits exploitants comme moyen de gestion des risques en Afrique et en Asie du Sud-Est.
« Il n’existe pas de solution unique pour le monde entier. Au Moyen-Orient et en Afrique, par exemple, la production de pétrole est une source importante d’émissions de méthane, avec des possibilités relativement importantes de réduction des émissions à faible coût. En Europe et en Amérique latine, la production laitière et la production de viande bovine sont les principales sources avec des potentiels techniques d’atténuation relativement limités, tandis qu’en Amérique du Nord, ce sont les émissions provenant de l’extraction de gaz de schiste qui peuvent contenir de manière significative les émissions à un faible coût. Notre étude illustre à quel point il est important d’avoir une approche régionale et sectorielle des stratégies d’atténuation », conclut L. Höglund-Isaksson.
Ce billet a d’abord été publié par l’IIASA.