Du 11 au 13 Février 2020, s’est tenu dans la capitale sénégalaise l’atelier de clôture de la première phase de l’Initiative des organismes subventionnant la recherche scientifique.
La première phase de cette initiative, plus connue sous l’appellation anglo-saxonne Science Granting Councils Initiative (SGCI), a duré cinq ans. Elle a vu la participation de quinze États africains, dont le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Rwanda.
Principalement axée autour du renforcement des capacités des organismes et des conseils de financement de la recherche, afin que ces derniers puissent promouvoir l’excellence de la recherche, elle a bénéficié d’un budget de 13 millions de dollars canadiens (environ six milliards de FCFA).
Bilan de la première phase
Le programme a été financé par trois bailleurs : le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), le Département du développement international du gouvernement britannique (DfID) et la Fondation nationale pour la recherche d’Afrique du Sud (NRF).
Tenu sur le thème Bâtir des systèmes scientifiques : leçons de l’initiative des conseils subventionnaires scientifiques, l’atelier a dressé le bilan de la première phase de la SGCI, en identifiant les défis de la recherche scientifique en Afrique et dans les pays du Sud plus généralement, et en explorant des pistes de solutions pouvant être prises en compte pour la seconde phase.
Une impulsion pour le Sénégal
Selon Soukèye Dia Tine, directrice du financement de la recherche et du développent technologique au Ministère sénégalais de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), l’initiative a eu des répercussions positives sur le système de financement de la recherche dans son pays.
Par exemple, « des ateliers et des formation ont été organisés à l’endroit des chercheurs et des équipes qui gèrent la recherche, ce qui a permis de mettre à jour les documents de financement de la recherche », fait-elle savoir.
Mise en place de partenariats intra-africains
En outre, elle souligne que « grâce à la SGCI, des partenariats ont été noués entre le Burkina Faso et le Sénégal sur plusieurs projets de développement durable, à savoir la salinité des sols et la prise en charge des personnes âgées porteuses de maladies chroniques ».
Soukèye Dia Tine évoque enfin la promotion des partenariats public-privé, que l’initiative a encouragés dans l’une de ses thématiques.
Quant aux défis, le président du CRDI, Jean Lebel, se prononce tout d’abord sur le financement de la recherche et déclare à SciDev.Net que « les défis du financement de la recherche en Afrique aujourd’hui sont importants, mais ne sont pas insurmontables ».
À part le défi des ressources que l’intéressé identifie, il y a également celui du renforcement des capacités.
« Et c’est à ce niveau qu’intervient la SGCI, déclare-t-il, en donnant les outils et en développant les capacités pour financer la recherche, à travers des mécanismes transparents, des comités exécutifs qui fonctionnent et le suivi des subventions ».
Parlant des défis de la recherche en général, Soukèye Dia Tine situe la difficulté au niveau de la motivation et de l’engagement des chercheurs.
« Le défi est d’organiser les chercheurs pour présenter des projets de recherche ; car, les appels à candidatures sont lancés, mais il n’y a pas toujours des réponses adéquates », affirme-t-elle.
Excellence de la recherche
Pour sa part, Robert Tijssen, professeur à l’université néerlandaise de Leydes, aux Pays-Bas, et co-auteur d’un livre sur l’excellence de la recherche estime que « le principal défi de la recherche scientifique en Afrique est la prise de conscience du fait que viser l’excellence dans la recherche, ne veut pas nécessairement dire qu’il faut copier les pays du Nord ».
De fait, au-delà d’une notion à la mode, « l’excellence de la recherche, est un terme qu’il faut manipuler avec beaucoup de précaution afin qu’il ne constitue pas un obstacle à la promotion de la recherche de bonne qualité », met en garde Matthew Wallace, spécialiste de programme principal au CRDI.
Co-auteur de ce livre qui a au demeurant été lancé en marge de cet atelier, Matthew Wallace fait savoir que la notion d’excellence dans la recherche implique deux paramètres.
La recherche qui mène à des solutions
« Elle fait référence à la qualité de la recherche, souvent définie par les pairs, et au-delà de la qualité, elle vise la crème de la recherche, soit environ les 5% des meilleures recherches », explique le chercheur.
Cependant, le défi pour les pays en développement étant de faire de la recherche qui mène à des solutions concrètes qui satisfont leurs besoins, Robert Tijssen appelle à repenser et à réévaluer la notion d’excellence dans le contexte des pays du Sud.
Cet ouvrage vient donc recentrer le débat sur l’excellence de la recherche dans les pays du Sud, en le contextualisant et en invitant les conseils subventionnaires scientifiques à promouvoir l’excellence dans leurs contextes et selon leurs critères respectifs, et non selon les standards occidentaux.
Attentes pour la deuxième phase
L’atelier, qui a aussi marqué le point de départ de la deuxième phase, a été le lieu pour les participants d’exprimer leurs attentes pour la suite.
« Nous attendons d’avoir une enveloppe financière plus importante, destinée à financer les projets de recherche », espère Soukèye Dia Tine.
Il faut dire que la seconde phase de la SGCI aura un budget de 14,5 millions de dollars canadiens (6,62 milliards de FCFA), financé par l’Agence suédoise de coopération internationale − et le CRDI, avec une plus grande enveloppe à consacrer à la recherche proprement dite.
Financement direct de la recherche
En effet, « la première phase était là pour préparer le terrain et s’assurer que les compétences techniques requises sont existantes, pour pouvoir permettre ensuite aux conseils subventionnaires, dans la seconde phase, d’octroyer des fonds à l’intérieur de leur pays », explique Matthew Wallace.
Pour finir, Soukèye Dia Tine appelle les bailleurs à « donner plus de latitude aux organismes de financement de la recherche et à gérer les fonds destinés aux chercheurs, pour qu’on puisse en évaluer l’impact sur les populations. »
Bilal Taïrou
Cet article a d’abord été publié sur SciDev.net.