Dans cette interview réalisée à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de l’IYBSSD, Catherine Jami, secrétaire générale de l’Union internationale d’histoire et de philosophie des sciences et des technologies, appelle les dirigeants mondiaux à donner la priorité à l’enseignement des sciences.
Pourquoi pensez-vous que les sciences fondamentales doivent être promues ?
Il faut donner une chance à la science fondamentale pour qu’elle contribue efficacement au développement durable. J’ai participé à la création d’un comité permanent pour l’égalité des sexes dans les sciences, qui regroupe maintenant 19 unions internationales pour promouvoir l’égalité des sexes dans les sciences dans toutes les disciplines. Et nous avons très naturellement rejoint l’Année internationale, comme vous le savez, et les personnes qui les soutiennent parce que, bien sûr, l’égalité des sexes en science, comme ailleurs, est une condition majeure du développement durable.
Quel est l’objet de vos recherches ?
Eh bien, je vais vous dire toute la vérité. Je suis une spécialiste de la Chine du XVIIIe siècle, et j’ai travaillé en particulier sur un empereur, l’empereur Kangxi, qui était le deuxième empereur de la dynastie mandchoue. Et l’empereur Kangxi, il savait utiliser les mathématiques, l’astronomie, la cartographie pour gérer correctement son empire. Donc ce n’est pas vraiment quelque chose de nouveau que les gens au pouvoir sachent qu’ils ont besoin de la science pour bien gérer un pays.
Quels liens pouvez-vous établir entre vos recherches et le développement durable ?
Je dirais que pour un historien des sciences, c’est de comprendre comment la science s’est développée historiquement et comment elle a contribué au développement durable, mais aussi comment le développement durable a été une condition pour le développement et le progrès de la science fondamentale. Je pense donc que l’histoire des sciences peut contribuer à la compréhension des liens entre le développement durable et les sciences fondamentales. Nous ne regardons pas les choses comme les gens qui font de la politique, mais sur le plus long terme, parce que l’une des une des raisons pour lesquelles les liens peuvent être difficiles à voir c’est qu’ils ne sont pas instantanés. Cela prend du temps et il faut donner une chance à la science fondamentale pour qu’elle contribue efficacement au développement durable.
Quel est votre souhait le plus cher pour l’année à venir ?
Je pense que mon souhait serait surtout que les hommes politiques prennent la science un peu plus au sérieux et arrêtent de la traiter comme quelque chose qui doit donner un résultat, un profit instantané. Nous avons besoin de temps. C’est un investissement sur le long terme, mais il en vaut vraiment, vraiment la peine. Nous l’avons vu à plusieurs reprises ; par exemple les gens parlent du vaccin COVID 19. Eh bien il n’existerait pas s’il n’y avait pas eu de recherche fondamentale pendant des décennies auparavant. C’est l’exemple le plus évident de nos jours, mais il y en a beaucoup, beaucoup d’autres. Ce qu’il faut comprendre c’est que nous ne sommes pas une entreprise. Les investissements à court terme ne sont pas suffisants. Alors donnez-nous du temps !
Interview réalisée par Laurent Orluc