Selon le dernier rapport mondial sur le cancer, les pays à revenu faible ou intermédiaire pourraient voir leur fardeau en matière de cancer augmenter de 80% au cours des 20 prochaines années si les services de traitement et de prévention ne sont pas renforcés.
Le rapport, compilé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), met en garde sur le fait que la prévention du cancer est en recul dans les pays pauvres, car leurs systèmes de santé s’attaquent à des problèmes immédiats tels que les maladies infectieuses, la santé des enfants et la nutrition.
Une augmentation mondiale
Le rapport révèle que moins de 15% des pays à faible revenu offrent un traitement complet du cancer (y compris le diagnostic, le traitement et la prévention) contre 90% des pays riches.
La modélisation utilisée dans le rapport a montré que d’ici 2040, la charge mondiale du cancer devrait doubler pour atteindre 29 à 37 millions de nouveaux cas par an. Le cancer est responsable d’un tiers des décès prématurés, ainsi qu’une cause de difficultés financières et d’invalidité prolongée dans les pays pauvres, selon le rapport.
Cancers des riches et cancers des pauvres
Les types de cancer affectent différemment les personnes dans les pays pauvres et riches. Le rapport a révélé que le sarcome de Kaposi, cancer de la peau qui provoque des lésions et qui est lié au VIH, pose le plus grand risque pour ceux des pays les plus pauvres, suivi du cancer du col de l’utérus.
Le tabagisme reste responsable de 25% de tous les décès dus au cancer, selon le rapport. Mais alors que le tabagisme se réduit dans les pays riches, il est en augmentation dans les pays à faible revenu, ce qui augmente la prévalence du cancer.
Adapter la réponse aux pays
Les auteurs du rapport ont déclaré que ces différences doivent être prises en compte lors du développement de réponses au cancer.
Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré: « Au moins 7 millions de vies pourraient être sauvées au cours de la prochaine décennie, en identifiant la science la plus appropriée pour la situation de chaque pays [et] en fondant de fortes ripostes contre le cancer sur la couverture sanitaire universelle. »
Cancer du col de l’utérus
Le rapport fait un zoom sur le cancer du col de l’utérus, pour lequel l’infection par le virus du papillome humain (VPH) est l’une des conditions préalables. Un vaccin contre le virus existe, mais il est difficile à trouver dans les pays pauvres.
Le rapport montre que 34% des jeunes femmes des pays à revenu élevé ont été vaccinées contre le VPH, mais que seulement 3% des jeunes femmes des pays à faible revenu ont été vaccinées.
Les données concordent avec les conclusions d’un rapport publié le 30 janvier dans la revue médicale The Lancet. Ce dernier, fondé sur deux études scientifiques, révèle que 91% des décès dus au cancer du col de l’utérus dans le monde en 2018 sont survenus en dehors des pays à revenu élevé.
Stigmatisation et croyances
Bernard Stewart, professeur de médecine à l’université de la Nouvelle-Galles du Sud à Sydney en Australie, déclare qu’en plus des faibles budgets réservés aux soins, les médecins des pays en développement doivent faire face à la stigmatisation et aux croyances culturelles, ce qui rend difficile l’adoption d’une approche unique de lutte contre le cancer du col de l’utérus.
La reconnaissance d’une éventuelle stigmatisation est essentielle lors de la mise en œuvre de programmes de dépistage destinés aux filles et aux jeunes femmes, soutient Bernard Stewart. « L’action dépend essentiellement des valeurs et des perspectives de communautés particulières, plutôt que des généralisations », ajoute-t-il.
Coût des soins
Le coût des soins pour le cancer empêche aussi la généralisation du dépistage et du traitement dans les pays en développement, indique le rapport.
Un modèle élaboré par l’OMS a montré que la fourniture de services de lutte contre le cancer à 90% de la population mondiale coûterait environ 140 milliards de dollars américains au cours de la prochaine décennie – et sauverait environ 7,3 millions de vies.
Formation de médecins
L’essentiel de cet argent irait à la formation de médecins à la détection et à la prévention du cancer, selon le rapport ; car le manque de connaissances sur la maladie est l’une des principales causes des retards de diagnostic et de traitement.
« Si les gens ont accès aux soins primaires et aux systèmes d’orientation, le cancer peut être détecté tôt, traité efficacement et guéri », indique Ren Minghui, directeur général adjoint de l’OMS pour la couverture sanitaire universelle.
Le désavantage des zones isolées
Mais selon Bernard Stewart, cela peut être difficile à réaliser, car les systèmes de santé dans les pays à faible revenu sont confrontés à une multitude de problèmes, notamment l’insuffisance des transports, des infrastructures et du personnel.
« Les actions dans des endroits reculés, par exemple, sont presque toujours plus coûteuses que d’atteindre des populations comparables dans les villes, dit-il. Le coût est toujours une considération, en particulier dans le contexte des priorités, d’autres politiques liées à la santé ou d’autres contraintes budgétaires. »
Inga Vesper
Cet article a d’abord été publié par SciDev.net.