Depuis les années 1950, le nombre de morts causés par les crues a été multiplié par cinq en Afrique. Des facteurs humains et climatiques sont en cause.
On peut habiter un pays désertique et être menacé par les crues : en 2012 et 2017, la crue du fleuve Niger a ainsi causé des centaines de morts et des dizaines de milliers de sinistrés. Un phénomène devenu récurrent, et dont l’origine pose question.
Le plus important ruissellement des eaux de pluie observé au Sahel depuis la fin des années 1980 suffit-il vraiment pour expliquer la survenue de ces catastrophes ?
Données de précipitations journalières
Pour en savoir davantage, des chercheurs de l’IRD ont étudié le régime des pluies au Sahel et analysé les données de précipitations journalières relevées entre 1950 et 2015 au Sahel. Ils se sont ainsi aperçus qu’à partir des années 1990, l’intensité des pluies, et non leur fréquence, avait tendance à augmenter, en particulier celle des événements les plus extrêmes.
Pour aller plus loin, les chercheurs ont disséqué les données enregistrées depuis 1990 par l’observatoire AMMA-CATCH au Niger. À leur étonnement, ils ont montré que les pics d’intensité au sein de ces événements pluvieux avaient tendance à augmenter de 2 % à 3 % chaque décennie depuis les années 2000.
Modification du régime des pluies
Une tendance qui jusque-là n’avait été observée qu’aux États-Unis. Au Niger, les pluies connaissent ainsi des phases plus intenses, facilitant le ruissellement et la survenue de crues.
Cette intensification suggère une modification du régime des pluies au Sahel. De fait, le climat sahélien pourrait être en train de changer, et non simplement d’osciller entre des périodes successivement sèches ou humides.
Réévaluer les politiques de protection
Cette réalité oblige à réévaluer les politiques de protection des populations et des ouvrages contre les crues. Mais elle pourrait aussi accroître la précarité des populations, confrontées à des pluies moins fréquentes mais plus violentes.
« Inondations récurrentes, crues ravageuses, pertes de production, tels sont les défis auxquels les pays du Sahel seront confrontés face aux changements climatiques. D’où l’importance de disposer d’observations de qualité sur le long terme sans lesquelles on ne peut anticiper ces événements. Ce type d’étude doit faire tache d’huile au niveau de nos services nationaux d’hydrologie, qui doivent intégrer ce phénomène d’intensification des pluies dans leur communication sur les risques d’inondation et dans les calculs de dimensionnement des ouvrages. »
Ibrahim Maïnassara, ingénieur hydraulicien, responsable de la collecte de données pluviométriques, Niger
Cet article est reproduit de Science et Développement Durable – 75 ans de recherche au sud, IRD Éditions, 2019