Les besoins informatiques du SKAO seront satisfaits par des « ordinateurs verts ».
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L’alimentation des télescopes n’est bien sûr qu’une partie d’un tableau plus vaste. À l’ère de l’astronomie du Big Data, comment faire de la science du Big Data sans grande consommation d’énergie est une grande question.
Là encore, SKAO a travaillé dur pour réduire sa consommation. Avec une consommation actuelle estimée à 2 MW, au lieu de l’estimation initiale de 6 MW, les deux centres de supercalcul de l’Observatoire seront équivalents aux supercalculateurs les plus rapides du monde en 2019, mais consommeront trois fois moins d’énergie que la norme industrielle actuelle, ce qui réduira considérablement leur empreinte carbone.
Électronique à faible puissance
Des exigences aussi strictes stimulent également l’innovation dans le domaine de l’électronique à faible consommation, qui profitera non seulement au SKAO, mais trouvera très probablement sa place dans d’autres utilisations dans la société, contribuant ainsi à réduire notre empreinte carbone mondiale.
Les deux installations de calcul, situées au Cap, en Afrique du Sud, et à Perth, en Australie occidentale, seront connectées au réseau, où la part des énergies renouvelables était respectivement de 16% et 24% en 2020. À Perth, le Pawsey Supercomputing Centre qui accueillera le centre de traitement scientifique (SPC) SKA-Low est déjà équipé de panneaux solaires sur son toit et sa façade qui génèrent 140 kW d’électricité, et utilise un système d’eau souterraine pour réduire ses besoins en électricité pour le refroidissement des superordinateurs.
Dispositif de roulement
« Pour compenser les émissions de SKAO là-bas, nous allons probablement entrer dans ce qu’on appelle un accord de roulement, explique A. Schutte. Essentiellement, nous paierons des projets d’énergie renouvelable ailleurs, qui injecteront de l’énergie dans le réseau et contribueront à augmenter la part des énergies renouvelables dans tout l’État. » Il s’agit d’une approche courante, offerte aux clients commerciaux et privés dans certains pays comme le Royaume-Uni pour compenser leur consommation.
Le centre de traitement scientifique (SPC) du SKAO pour SKA-Mid n’est pas encore construit. Son site a été identifié à la périphérie du Cap, et est partagé avec iThemba LABS, l’installation d’accélérateur de particules de la National Research Foundation.
Panneaux solaires et batteries
La conception actuelle propose des panneaux solaires sur le toit du SPC avec une centrale photovoltaïque de 2,5 MW et des batteries sur un terrain adjacent, ce qui permettrait de répondre à une fraction importante de la charge du SPC. « Notre objectif est de travailler avec le SARAO pour nous approvisionner en énergie à partir d’une combinaison d’une installation de production sur site intégrant des panneaux solaires, d’un système de batteries important et d’une alimentation sans coupure (UPS), dans le but de réduire l’empreinte environnementale et de minimiser l’effet des délestages qui limitent la disponibilité du réseau », explique A. Schutte.
Ce système hybride permettra également au SKAO de réduire la facture d’électricité du SPC, les panneaux solaires rechargeant les batteries, dont l’énergie est ensuite utilisée pendant les périodes de pointe où les tarifs sont beaucoup plus chers, ou pendant les événements de délestage (également appelés rolling blackout).
Au-delà du SKAO
Les besoins informatiques du SKAO ne se limitent pas à l’observatoire lui-même. Au-delà de ses deux SPC, l’Observatoire s’appuiera sur un réseau de centres régionaux SKA (SRC) financés par et répartis dans ses pays membres pour stocker ses données et servir d’interface avec la communauté scientifique internationale, où les produits de données scientifiques seront traités.
Au total, quelque 700 Po de données seront ajoutées aux archives scientifiques chaque année à travers le réseau des SRC, qui disposeront d’une capacité de calcul collective de quelque 500 PFLOPS, soit cinq fois le superordinateur le plus rapide du monde en 2019.
L’informatique verte à l’échelle exa
Bien que ces installations soient en dehors du champ d’action du SKAO, des discussions sont déjà en cours pour garantir des sources d’énergie durables. « L’engagement de l’Observatoire en matière de durabilité s’étend à nos interactions avec nos partenaires, explique Lewis Ball. Nous avons déjà entamé des discussions avec certaines des installations prototypes pour identifier comment nous pouvons travailler ensemble pour réaliser un réseau durable. »
« Les pays membres du réseau SRC sont certainement axés sur la réalisation de la capacité de traitement et de stockage nécessaire aux télescopes SKA de manière durable. Nous sommes déjà engagés avec plusieurs centres internationaux de supercalcul et fournisseurs de calcul à haute performance qui progressent vers le calcul vert à l’échelle exa », a ajouté Peter Quinn, président du comité directeur du SRC.
Moins de voyages
L’alimentation des télescopes et des installations de calcul représentera la grande majorité des émissions de l’Observatoire, mais le travail pour minimiser son empreinte environnementale globale est un défi quotidien.
L’Observatoire s’efforce par exemple de réduire les déplacements, tendance qui s’est accentuée avec la pandémie. Plus tôt cette année, la réunion scientifique du SKAO s’est tenue virtuellement pour la première fois, permettant à 950 participants du monde entier d’y prendre part, contre 300 prévus pour une réunion en personne. Au total, on estime que l’ensemble de la réunion en ligne n’a généré que sept tonnes de CO2, contre un seul vol aller-retour entre le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud (où la réunion aurait eu lieu) qui aurait émis en moyenne deux à trois tonnes de CO2, soit une réduction des émissions de plus d’un facteur cent.
Surveillance de l’impact environnemental
« Cela a également rendu la réunion plus inclusive et a permis aux collègues juniors tels que les doctorants et les postdocs – et ceux des institutions disposant de moins de fonds – de participer pleinement à notre collaboration mondiale », ajoute Anna Bonaldi, scientifique du projet SKAO, co-organisatrice de la réunion scientifique. À l’avenir, le SKAO continuera à envisager des formes de collaboration hybrides et autres afin de maximiser l’inclusion et la durabilité, mais aussi l’engagement et les opportunités.
Conformément à sa politique environnementale récemment approuvée, le SKAO s’engage également à surveiller et à rendre compte des impacts environnementaux mesurables tels que les émissions de CO2, la consommation d’eau et la production de déchets. « Le suivi et le rapport de notre impact environnemental rendent nos émissions visibles, ce qui permet de stimuler de nouvelles améliorations », explique L. Ball.
Estimation des émissions de CO2
De nombreuses autres petites activités s’additionnent pour que le projet prenne au sérieux son impact environnemental, qu’il s’agisse du travail de nos collègues sud-africains et australiens pour restaurer les écosystèmes et gérer les précieuses ressources en eau, du financement et de la plantation d’espèces locales d’arbres via nos activités de sensibilisation ou de la mise à disposition gratuite de bornes de recharge pour véhicules électriques au siège, encourageant ainsi le personnel à passer aux véhicules électriques ou hybrides.
L’Observatoire envisage également d’entreprendre une estimation complète des émissions de CO2 pour l’ensemble des activités du SKAO.
En tant qu’organisation intergouvernementale nouvellement créée, le SKAO veille à ce que ses politiques et processus soient conformes à notre engagement en faveur de la durabilité, et à ce que la science révolutionnaire promise par cette installation unique ne se fasse pas au détriment de notre planète.
Mathieu Isidro
Cet article a d’abord été publié par SKAO.