La diplomatie scientifique devrait être une stratégie que les scientifiques, les gouvernements et les communautés utilisent pour établir la confiance et préparer les crises à venir.
Depuis le début de la crise de la COVID-19, les « fake news », c’est-à-dire les informations non scientifiques et les nouvelles non dignes de confiance, ont fait leur chemin vers les publics arabes. Sur la base de l’analyse de contenu et de la vérification par l’auteur de centaines d’articles publiés entre janvier et juillet 2020 inclus, il existe des preuves solides que plus les scientifiques et les responsables de la santé s’engagent sur la question et dans les médias – en particulier par le biais de campagnes ciblées sur les médias sociaux – moins les « fake news » sont diffusées, et plus les scientifiques ont un impact.
La science et les scientifiques font partie intégrante des efforts de gestion de crise et de gestion des risques. Les scientifiques tracent les lignes indiquant quelles informations sont correctes et dans quels domaines les choses peuvent mal tourner en temps de crise – en particulier lorsqu’il s’agit de sciences naturelles telles que la santé, l’environnement, l’ingénierie et le bien-être urbain. En ce sens, la diplomatie scientifique, en tant que connexion entre la science, les décideurs politiques et le public, a un rôle important dans la lutte contre les fausses nouvelles qui peuvent entraîner des conséquences négatives dans la société.
Plus de scientifiques, moins de fake news
L’examen de 785 articles d’actualité et billets viraux a révélé que les fake news en langue arabe concernant la COVID-19 diminuaient considérablement avec la diffusion d’informations plus scientifiques et officielles. En collaboration avec Misbar, équipe de vérification des faits en langue arabe, l’auteur a constaté que près de 50% des nouvelles sur la COVID-19 publiées en juin 2020 étaient des fake news, contre 74 % des nouvelles publiées entre janvier et mars 2020 inclus.
En outre, les données montrent un changement de cap des sections de fake news ou de nouvelles falsifiables tout au long de cette période. L’auteur suggère que l’engagement précoce d’informations dignes de confiance provenant de canaux médiatiques officiels (par exemple, des autorités sanitaires, des institutions scientifiques et des scientifiques) et des experts médicaux a minimisé la propagation des fake news.
Une science solide pour relever les défis futurs
Ces résultats suggèrent que la diplomatie scientifique est nécessaire et semble être un outil indispensable en temps de crise. En effet, une intervention précoce peut aboutir à un résultat positif ; cependant, une relation cohérente et solide entre le public et les scientifiques est nécessaire pour faire face aux futures pandémies et crises dans lesquelles la science joue un rôle majeur.
La science et les scientifiques doivent être présentés comme un élément crucial de l’avenir et de la survie de l’humanité, car les défis de notre planète et ceux des générations à venir doivent s’appuyer sur une communauté scientifique forte, dans laquelle l’humanité collabore avec les décideurs, les gouvernements et les acteurs non étatiques aux niveaux local, régional, national et international. Pour ce faire, les gouvernements doivent faire appel à des scientifiques pour concevoir leurs politiques et élaborer des plans d’atténuation des risques, ainsi que pour s’engager auprès de la communauté au sens large.
Engagement des scientifiques dans la société
Dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), seul le Liban a utilisé un système de risques et de catastrophes pour partager des informations avec le public ; d’autres ont partagé des données agrégées qui ont suscité le doute du public dans de nombreux pays de la région. L’expérience de la COVID-19 dans la région MENA nous a appris que l’engagement précoce des scientifiques et la diplomatie scientifique avec la société, lorsqu’il s’agit de données précises, permet d’établir un niveau de confiance élevé dans les institutions officielles, tandis que le fait de s’abstenir de publier des données détaillées soulève des questions et crée un vide qui peut facilement être comblé par des fake news.
À côté de cela, une communauté scientifique régionale axée sur la santé publique et la crise environnementale (les deux domaines dans lesquels nous sommes confrontés à d’immenses défis) renforcera les capacités des gouvernements à travailler en réseau et à construire un corps régional de diplomatie publique à différents niveaux, avec un accès à de nombreuses ressources.
Réseau et conseils régionaux
Un réseau et des conseils régionaux minimiseront efficacement les lacunes en matière de ressources et les problèmes d’accessibilité auxquels le public est confronté, car les États disposent de différents niveaux de richesse et de moyens d’accéder aux personnes dans leur pays (comme les chaînes de télévision). Ces organismes seraient en mesure de créer un système de partage des données, de prévoir et de prédire les problèmes potentiels et d’aider les institutions officielles à élaborer des solutions.
En même temps, et c’est le plus important, ils prendront des mesures précoces d’engagement avec le public, par le biais des médias, des établissements d’enseignement et aussi des informations non gouvernementales. En d’autres termes, l’accès précoce au public par les scientifiques, et de diverses manières, aura un impact positif sur la société et renforcera les relations entre les communautés scientifiques, le gouvernement et les organisations non gouvernementales.
Les sciences sociales et naturelles sont importantes
En temps de crise, la diplomatie scientifique n’est pas seulement un outil à utiliser « en cas de besoin », mais plutôt une stratégie que les scientifiques, les gouvernements et les communautés utilisent en permanence et de manière cohérente dans la société – en particulier lorsqu’ils visent à instaurer la confiance entre les décideurs politiques et les scientifiques. La diplomatie scientifique est une doctrine selon laquelle les scientifiques doivent déployer des efforts considérables en temps de crise pour lutter contre les fake news, et se concentrer simultanément sur la recherche de solutions tout en s’appuyant sur la confiance que les communautés et les sociétés leur offrent pour délivrer les bons messages au bon moment.
La crise de la COVID-19 a mis au défi les spécialistes des sciences sociales tout autant que ceux des sciences naturelles. Une coordination et un travail en réseau sont nécessaires entre les deux domaines pour que la science serve la politique et la société autant que la société et la politique servent la science. C’est ainsi que nous pourrons lutter contre la désinformation et accroître la confiance en la science pour un avenir meilleur.
Abdalhadi Alijla, ancien membre du comité exécutif de la GYA, cofondateur de la Palestine Young Academy, et postdoctorant à l’Orient-Institute, Beyrouth
Ce billet a d’abord été publié par GYA.