SKAO aura besoin d’un approvisionnement énergétique continu, fondé sur des sources renouvelables, et sans interférences.
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Le deuxième axe de travail a consisté à explorer les options permettant d’optimiser la part des énergies renouvelables dans notre production d’électricité. Il s’agit d’un tableau complexe, car SKAO doit se procurer pas moins de six centrales ou alimentations électriques différentes mais interconnectées – deux pour les noyaux des télescopes, deux types de systèmes distribués pour les stations les plus éloignées du noyau, et deux pour les centre de traitement scientifiques au Cap et à Perth. Chacun de ces systèmes présente des exigences et des défis très différents, notamment la nécessité de limiter les interférences radioélectriques (RFI) – un « bruit » généré artificiellement qui interfère avec les signaux radioélectriques que les télescopes sont censés détecter -, la disponibilité des terrains et la fiabilité de l’alimentation du réseau.
Depuis plus d’un an, Adriaan Schutte et ses collègues élaborent un plan d’approvisionnement en énergie pour relever ces défis – en organisant des ateliers, des réunions avec toutes les parties prenantes, et en travaillant avec des entrepreneurs spécialisés.
Le modèle électrique
« Sur le marché, une centrale photovoltaïque de la taille dont nous avons besoin coûterait des dizaines de millions d’euros à construire », explique A. Schutte. Ce coût représente une part importante des coûts de construction et d’exploitation sur 10 ans des télescopes SKA, mais l’Observatoire ne peut l’assumer. Au lieu de cela, SKAO poursuit une stratégie visant à conclure des accords d’achat d’électricité (PPA) en Australie et en Afrique du Sud, par lesquels un fournisseur d’électricité construira et exploitera des centrales électriques sur les sites des télescopes.
Le fournisseur prend en charge le coût d’investissement de la construction de la centrale électrique, mais récupère ensuite son investissement grâce à un PPA de 20 à 30 ans pour fournir de l’électricité au client à un tarif convenu. Ces types de contrats sont courants dans l’industrie des énergies renouvelables, et sont en fait devenus le modèle de fonctionnement standard pour de nombreuses compagnies d’électricité et clients.
Les besoins en électricité du SKA
Contrairement à la plupart des autres installations, les télescopes SKA auront besoin d’une source d’énergie quasi constante, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, 365 jours par an. Cette exigence est motivée par l’objectif de disponibilité opérationnelle de 95% des télescopes du SKAO et, bien sûr, par le fait que les radiotélescopes observent de jour comme de nuit, contrairement aux télescopes optiques. Couplé à ses besoins informatiques, cela signifie que les besoins énergétiques de SKAO sont importants pour un observatoire, mais cela signifie également que sa demande en énergie ne connaîtra pas de gros pics ou creux.
« Ces caractéristiques nous rendent attractifs pour les fournisseurs d’énergie, car ils sont assurés d’un besoin régulier en énergie sur des décennies », ajoute A. Schutte. Sans surprise, l’intérêt a été grand, certains des plus grands noms de l’industrie énergétique ayant répondu aux précédentes demandes de manifestation d’intérêt de SKAO.
Au total, les télescopes et les installations informatiques du SKA devraient nécessiter une puissance d’environ 12 MW. Ce n’est pas beaucoup si l’on compare avec les grandes mines et certains utilisateurs industriels, qui ont besoin de trois ou quatre fois plus, mais c’est tout de même significatif.
Éliminer les risques
La particularité des télescopes de SKA est leur extrême sensibilité aux ondes radio, ce qui nécessite que les centrales électriques ne produisent presque pas de RFI qui masqueraient les faibles émissions de l’Univers lointain que les télescopes sont conçus pour détecter. « L’un des principaux problèmes auxquels nous avons été confrontés est le risque RFI associé au projet, explique A. Schutte. Parce que nos exigences en matière de RFI sont si strictes sur le site, et si inhabituelles pour un fournisseur d’énergie, faire peser ce risque sur eux ferait grimper le prix de manière très significative. »
Avec un coût de plusieurs millions d’euros par an, l’énergie représentera la deuxième plus grande dépense opérationnelle de SKAO, après le personnel. Il est donc compréhensible que l’Observatoire souhaite à la fois minimiser sa consommation d’énergie et obtenir le meilleur tarif possible. La réduction du risque est essentielle à cet égard.
SKAO développe la conception
La solution proposée ? Plutôt que de faire peser le risque de fournir des niveaux extrêmement bas de RFI uniquement sur des fournisseurs d’énergie qui ne seront pas familiers avec de telles exigences, l’Observatoire assumera le risque initial de développement d’un design. Il sera ensuite demandé aux entrepreneurs d’établir un prix en fonction de ce design et, s’ils sont sélectionnés, de fabriquer selon ces spécifications.
En outre, si des modifications doivent être apportées à la conception une fois sur le site, le contractant sera responsable de la mise en œuvre de ces modifications, mais, surtout, l’Observatoire en assumera le coût financier. En outre, le fournisseur sera responsable du maintien des performances RFI de manière appropriée tout au long de l’exploitation de l’installation électrique.
Une pratique innovante
Ensemble, ces deux éléments constituent une innovation selon A. Schutte. « Nous pensons avoir presque complètement éliminé le risque financier associé au développement de ce qui est vraiment une solution d’alimentation sur mesure tout à fait unique pour notre observatoire. »
Que se passe-t-il maintenant ? A. Schutte a réuni une équipe pluridisciplinaire et multinationale d’instituts partenaires pour développer un design conforme à la RFI en sprints, inspirée par l’adoption réussie de la méthodologie Agile SAFe dans le développement logiciel du SKAO. Une fois qu’une conception de référence détaillée aura été créée, une demande de propositions pour la réalisation de ce design sera émise, très probablement vers la fin de cette année.
Énergie hautement renouvelable
Alors, quel pourcentage d’énergies renouvelables pouvons-nous espérer obtenir sur le site ? A. Schutte pense que nous devons être ambitieux dans notre conception.
« Nous préparerons à la fois une conception de référence à coût optimal et une conception à forte pénétration des énergies renouvelables pour un scénario avec plus de 90% d’énergies renouvelables. Nous voulons rendre attrayant pour les compagnies d’électricité de nous proposer des centrales avec des pourcentages élevés de pénétration des énergies renouvelables, ce qui, selon nous, n’entraînerait qu’une faible augmentation des tarifs mais ferait une différence significative dans notre empreinte environnementale. »
Modèles climatiques
Le niveau de référence de 90% est déterminé par les conditions climatiques sur les sites, telle la couverture nuageuse moyenne. Pour aller encore plus haut, il faudrait un système de batterie beaucoup plus grand au cas où il y aurait plusieurs jours couverts d’affilée, ce qui augmenterait énormément le coût du système et le tarif que SKAO devrait payer, mais avec seulement une diminution mineure de l’impact environnemental.
En fournissant les deux conceptions de référence, SKAO vise à être en mesure de mettre en œuvre un approvisionnement à forte pénétration des énergies renouvelables qui soit abordable.
Mathieu Isidro
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Cet article a d’abord été publié par SKAO.