Des pratiques agricoles adaptées réduisent les émissions de gaz à effet de serre et permettent de stocker du carbone dans les sols.
Jusque dans les années 1990, les pédologues avaient deux priorités : la fertilité des sols et la protection de ces milieux hétérogènes dans lesquels l’organique côtoie le minéral sous des formes parfois très intimes, notamment au niveau de l’humus, cette matière organique d’origine végétale, animale et microbienne qui, en se décomposant, modifie les propriétés du sol.
Pour étudier cette matière organique, les pédologues ont depuis les années 1970 développé des techniques innovantes pour comprendre sa structure et sa composition, mais aussi pour évaluer quantitativement sa distribution dans les sols tropicaux. Ces recherches ont abouti d’une part à des cartes positionnant les sols en fonction de leur richesse en matière organique et, d’autre part, à des développements technologiques (spectrométrie infrarouge) permettant de multiplier les analyses à bas coûts. Ces travaux de recherche permettent également d’identifier les pratiques agricoles qui piègent davantage la matière organique dans le sol, pour accroître la fertilité des terres.
Interface entre l’atmosphère et les plantes
Une manne d’informations dont l’intérêt monte en puissance dans les années 1990, lorsque le monde prend conscience de l’importance des gaz à effet de serre. Situé à l’interface entre l’atmosphère et les plantes, le sol se révèle un compartiment potentiellement important pour stocker des gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote). Dès lors, tous les savoirs acquis antérieurement sont revisités à l’aune de la séquestration du carbone et de l’azote par les sols.
Les chercheurs montrent alors que la mise en application de techniques de culture comme l’agriculture de conservation, l’agroforesterie ou l’arrêt de la culture sur brûlis pourrait piéger une quantité non négligeable des émissions sur les vingt à trente prochaines années. Ce résultat est à l’origine de l’initiative française « 4 pour 1000 », qui vise à augmenter la séquestration du carbone dans le sol de 0,4 % chaque année, via des pratiques agricoles adaptées.
« La matière organique dans les sols tropicaux est d’une importance capitale pour leur fertilité, d’autant plus qu’il s’agit souvent de sols fortement altérés avec des basses teneurs en argile, et qui présentent du reste une faible réactivité (kaolinite). Les recherches menées par l’IRD sur la problématique ont été des leviers de la recherche agricole au Burkina Faso et en Afrique subsaharienne. Elles ont permis de raisonner utilement le fonctionnement biologique des sols. La technique du « zaï » en est une belle illustration pratique. »
Edmond Hien, professeur à l’université Joseph Ki-Zerbo, Ouagadougou, Burkina Faso
Cet article est reproduit de Science et Développement Durable – 75 ans de recherche au sud, IRD Éditions, 2019