L’enquête mondiale sur les scientifiques (partie 2)
Billet précédent dans cette série.
Quelles sont les caractéristiques des différences entre les femmes et les hommes dans les sciences identifiées par l’enquête ?
Plus d’un quart des femmes scientifiques ayant répondu au questionnaire ont déclaré avoir été personnellement victimes de harcèlement sexuel lors de leurs études ou au travail. Notre analyse multivariée révèle que les femmes étaient plus de 14 fois plus susceptibles que les hommes de déclarer avoir été personnellement harcelées ; cette analyse tient compte de la discipline, de l’âge, du secteur d’emploi, de la région géographique et du niveau de développement.
Cela prouve clairement que les femmes et les hommes ont des expériences différentes en matière de harcèlement. Les femmes sont également statistiquement plus susceptibles que les hommes de déclarer avoir été personnellement témoins de harcèlement sexuel.
Dans toutes les régions, toutes les disciplines et tous les niveaux de développement, les femmes étaient nettement plus susceptibles que les hommes de signaler une discrimination fondée sur le sexe. Les femmes sont moins susceptibles que les hommes d’indiquer qu’elles ont été traitées avec respect par leurs collègues.
Interruptions
Les femmes signalent des interruptions dans leurs études 1,6 fois plus souvent que les hommes ; un facteur important pour la réussite des études universitaires est lié à la capacité d’un étudiant ou une étudiante à s’engager dans des études de façon continue. Les femmes ont fait état de relations moins positives avec leurs directeurs ou directrices de thèse, et d’une qualité de programme de doctorat inférieure. Elles ont moins tendance que les hommes à dire que tout le monde est traité de manière équitable dans le système éducatif et dans l’emploi.
Il existe toujours un écart de salaire entre les femmes et les hommes dans le domaine des sciences. Nous avons inclus des facteurs explicatifs potentiels, notamment l’âge (comme indicateur de la progression de la carrière), la discipline, la région géographique, le secteur d’emploi et le niveau de développement humain. Même après avoir pris en compte ces facteurs, nous avons constaté que les femmes étaient plus susceptibles de déclarer un salaire inférieur par rapport à leurs collègues ayant des qualifications similaires.
Des carrières plus lentes
Les femmes ont déclaré avoir moins accès que les hommes aux ressources et aux possibilités d’avancement professionnel. Elles sont plus susceptibles que les hommes de signaler une progression de carrière plus lente que leurs pairs.
Le fait de devenir parent a eu des répercussions très différentes sur la vie des femmes et sur celle des hommes. Par exemple, nous avons constaté que les femmes étaient plus susceptibles de dire que leur progression de carrière avait ralenti après la naissance de leur premier enfant.
Soutien familial
Dans l’ensemble, les femmes ont plus tendance que les hommes à dire qu’elles comptent sur leur détermination personnelle, leur volonté et leur travail pour réussir dans le domaine scientifique. Elles sont également plus nombreuses que les hommes à déclarer avoir été encouragées pendant leurs études universitaires par leur conjoint ou partenaire, leurs parents et d’autres membres de leur famille. C’est le cas le plus significatif où la situation des femmes est jugée meilleure que celle des hommes. Cela indique peut-être que sans une forte détermination personnelle et un encouragement significatif de la part de leur parentèle, les femmes ont moins de chances de devenir scientifiques.
Que dit l’enquête sur les différences femmes-hommes dans diverses disciplines ?
Malgré des situations très différentes en ce qui concerne les proportions de femmes dans les diverses disciplines (moins de 30% en mathématiques, plus de 50% en biologie), les principales conclusions de l’enquête sont très similaires dans les différentes disciplines.
Que pouvez-vous dire sur les différences femmes-hommes dans les différentes zones géographiques ?
Pour prendre un exemple, le plus faible taux d’interruption des études dans l’enseignement supérieur a été signalé en Europe occidentale, peut-être parce que le système social y est plus favorable.
Que pouvez-vous dire sur les différences femmes-hommes en fonction du niveau de développement ?
La principale conclusion est qu’il existe des différences femmes-hommes dans les sciences tant pour les pays plus développés que pour les pays moins avancés. L’écart femmes-hommes dans les sciences ne disparaît pas avec l’augmentation du développement économique ou même humain (tel que défini par l’Indice de développement humain (IDH)). Dans certains cas, un niveau de développement plus élevé est même corrélé avec une expérience plus négative des répondant·es en termes de qualité des programmes d’études supérieures, de relation avec le directeur ou la directrice de thèse et de harcèlement sur sa propre personne.
D’autres conclusions importantes se dégagent-elles de l’enquête mondiale sur les scientifiques ?
Nous avons obtenu des résultats intéressants, indépendamment de notre principal objectif qui concernait l’écart entre les femmes et les hommes. Nous avons comparé les réponses des différentes disciplines et secteurs d’emploi, après avoir pris en compte les facteurs de confusion potentiels tels que l’âge, le sexe, le secteur d’emploi, la région géographique et l’IDH, mais nous pensons que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour aller plus loin.
En examinant les programmes de doctorat, nous avons constaté que les répondant·es étudiant les mathématiques ont une perception plus positive de leur relation avec leur directeur ou directrice de recherche que les répondant·es des autres disciplines. Les répondant·es étudiant l’informatique, les mathématiques et la physique sont plus susceptibles que ceux des autres disciplines de percevoir qu’elles et ils ont été traité·es équitablement durant leurs programmes de troisième cycle.
En examinant les secteurs d’emploi, les répondant·es travaillant dans l’industrie, les ONG et les écoles primaires/secondaires étaient plus susceptibles de déclarer avoir été traité·es avec respect par leurs collègues que les répondant·es travaillant dans le milieu universitaire ou dans le secteur public. Les répondant·es travaillant dans l’industrie et les ONG étaient plus susceptibles de déclarer avoir été traité·es équitablement par leurs employeurs que celles et ceux travaillant dans le secteur public.
Liste de toutes les questions de l’enquête.
Marie-Françoise Roy et Colette Guillopé