C’est ce qu’a écrit un journaliste lors de la conférence scientifique « La science en français, au Québec et dans le monde », organisée dans le cadre de l’Année internationale des sciences fondamentales pour le développement durable (IYBSSD).
Combat d’arrière-garde ou, au contraire, avant-garde inédite ? Il n’aura échappé à personne que la langue anglaise est devenue la lingua franca dans le domaine de la science. Pour beaucoup de chercheurs, publier en anglais est une telle évidence qu’ils ne cherchent même pas à discuter sa prééminence. Langue véhiculaire, serait-elle devenue transparente ? Au contraire, il faut s’interroger sur sa signification, a parié le responsable scientifique Rémi Quirion, lors du Forum de Montréal (Canada) « La science en français au Québec et dans le monde », qu’il a mis sur pied.
On retiendra ainsi que plus de 320 millions de personnes parlent le français sur les cinq continents, notre langue occupant le 5e rang derrière l’anglais, le chinois, l’hindi et l’espagnol. Et qu’il pourrait y avoir 400 à 600 millions de francophones en 2050, peut-être plus de 770 millions en 2070… Que faire de cette situation si différente de celle du 20ème siècle où trois pays, la France, la Suisse et la Belgique, représentaient les neuf dixièmes de la Francophonie, le français étant aujourd’hui africain à plus de 60 % ? Mener le combat contre l’anglais ? Un combat rétrograde perdu d’avance.
Attention à la « macdonaldisation » de la science
C’est une autre voie constructive qui pourrait se dessiner : faire du français, qui avait – qui a encore – une tradition de « langue scientifique », le porte-drapeau d’un mouvement beaucoup plus large, celui d’un véritable multilinguisme. Cela peut sembler naturel dans ces laboratoires d’Amérique latine où l’on échange des idées scientifiques en espagnol ou en portugais ; en Europe, où ces échanges se font en allemand, en néerlandais, en finnois, etc.
Même le continent africain, dont certaines des 2 000 langues pourraient se livrer à des expressions scientifiques si elles étaient sollicitées, y trouverait son compte ! Si les articles spécialisés sont rédigés en anglais, « capital symbolique » oblige au niveau international, c’est bien dans leur propre langue que les scientifiques devraient pouvoir élaborer leurs découvertes avant de les expliquer et de gagner la confiance de leurs compatriotes…
Une plaisanterie inquiétante circule aujourd’hui ? Que certains ne parviennent plus à parler clairement de leur travail, sauf à s’exprimer dans un « anglais global » aux références culturelles floues. Gare à l’uniformisation des modes de pensée, à ce qu’Anne-Claude Berthoud appelle avec une ironie grinçante la « macdonaldisation » de la science ! « Le monolinguisme conduit à l’uniformisation des savoirs, alors que le plurilinguisme est la condition de leur universalité », prévient l’enseignante-chercheuse à l’Université de Lausanne.
En dessous du Jura, à l’heure où l’intelligence artificielle accroît sa capacité à faciliter les traductions, il semble judicieux de revoir ce que la loi Toubon de 1994 « relative à l’emploi de la langue française », autrefois décriée, a de bon.
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