Les plateformes numériques changent la façon dont nous faisons des affaires. Un projet de recherche de six ans a tenté de comprendre les conséquences de ce changement, notamment comment les plateformes peuvent améliorer la résilience dans un monde incertain.
« Le point de départ était peu orthodoxe, explique Leena Ilmola-Sheppard, chercheuse émérite invitée de l’IIASA, et chercheuse principale du projet. Pekka Lindroos, du ministère des Affaires économiques, m’a contactée en 2014. Il m’a dit : ‘Les gens commencent à parler des écosystèmes des plateformes numériques – est-ce que tu t’y connais ?’ J’ai dû répondre que non, je n’y connaissais rien. »
Cet appel a déclenché un projet collaboratif visant à analyser les nouvelles formes d’entreprises dans le monde numérique. L’IIASA s’est associé à cinq autres institutions de recherche pour créer Platform Value Now, bénéficiant d’un financement de six ans du Conseil finlandais de la recherche stratégique.
Pouvoir transformateur des plateformes numériques
L’essence d’une plateforme numérique, telle qu’Airbnb, est de permettre des connexions entre producteurs et consommateurs. Cela permet aux gens d’assumer les deux rôles, en devenant des « prosommateurs » ; et permet des interactions multilatérales. Une plateforme réussie rassemble également un écosystème d’entreprises autour d’elle.
« Les plateformes sont des technologies sous stéroïdes, avec un grand pouvoir de transformation pour le bien ou le mal, déclare L. Ilmola-Sheppard. Alors quel type d’économie de plateforme voulons-nous créer ? »
Comprendre le changement
Le projet visait à comprendre ce changement par rapport aux modèles commerciaux traditionnels.
« Lorsque nous avons commencé en 2015, le phénomène était si nouveau que personne n’y connaissait rien, ajoute L. Ilmola-Sheppard. Il n’y avait pas de littérature, pas de théorie, pas de vocabulaire. »
Une nouvelle approche de l’innovation
Les chercheurs ont décidé de rassembler les connaissances en utilisant des études de cas. La première d’entre elles portait sur une application mobile lancée par SSAB, appelée SmartSteel, qui permet à toutes les personnes impliquées dans la production et la livraison de plaques d’acier de partager des données. Cela permet de configurer automatiquement les robots de soudage, de fournir des données pour guider la maintenance préventive et de réduire les coûts de documentation, de stockage et de logistique.
L’une des premières conclusions est que les plateformes nécessitent une nouvelle approche de l’innovation.
L’expérimentation vient en premier
« Dans la gestion traditionnelle des entreprises, vous faites de la recherche et du développement, puis après une planification minutieuse, vous prenez des décisions d’investissement. Nous avons découvert qu’avec les plateformes, la logique est différente. Vous devez mener des expériences. »
Par exemple, Slack, Airbnb et Uber ont essayé plein de modèles de services différents avant de se fixer sur leurs versions actuelles à succès. Pour aider les gens à apprendre certains des aspects clés de la gestion d’une entreprise de plateforme, le projet a construit un jeu de simulation appelé Floating City.
Résilience des écosystèmes numériques
Le projet a également étudié la résilience des écosystèmes numériques. La COVID-19 a été un rappel brutal de la façon dont les événements peuvent faire dérailler la société et les entreprises. Même des événements relativement mineurs peuvent avoir des conséquences étendues dans une économie mondiale interconnectée, comme lorsque le blocage du canal de Suez a entraîné des problèmes d’approvisionnement dans toute l’Europe.
« Nous ne savons jamais ce qui va se passer ensuite, déclare L. Ilmola-Sheppard. C’est pourquoi nous devons renforcer la résilience. »
Le soutien de diverses organisations
Dans ce cas, la technologie numérique s’avère une arme à double tranchant. Le développement rapide des technologies peut ajouter à l’incertitude future ; mais les écosystèmes des plateformes peuvent accroître la résilience.
« Un écosystème est beaucoup plus résilient qu’une entreprise individuelle », déclare L. Ilmola-Sheppard.
Diverses organisations de l’écosystème peuvent fournir un renfort lorsque les ressources sont mises à rude épreuve ou qu’une nouvelle menace émerge. Cette conclusion, évidente dans les études de cas du projet, a été confirmée par une analyse théorique utilisant la théorie des systèmes adaptatifs complexes.
Les consommateurs deviennent des partenaires de l’innovation
Ces connaissances peuvent aider à la conception de futures plateformes.
« Si vous concevez votre interaction avec les consommateurs de la bonne manière, ils peuvent être des partenaires de l’innovation, explique L. Ilmola-Sheppard. « L’idée est que le système est amélioré par l’apprentissage automatique, de sorte que pendant qu’un utilisateur interagit avec votre plateforme, son comportement guide ce qui est produit. Ce type d’innovation accroît la résilience au niveau du système. »
Un exemple est la plateforme de communication professionnelle Slack, qui comprend des salons de discussion et du contenu consultable. Les utilisateurs peuvent développer de nouvelles façons d’utiliser les fonctions de Slack, et les proposer aux autres utilisateurs.
Avantages des plateformes numériques
Alors que les écosystèmes centrés sur une seule entreprise apportent certains avantages, un modèle plus décentralisé est encore plus résilient, avec plus de connexions apportant plus de redondance. Une forme particulièrement attrayante d’écosystème décentralisé est celle qui s’articule autour d’un objectif commun (tel que la réduction des émissions dues au transport maritime dans la Baltique) plutôt que de simplement faire de l’argent pour une seule entreprise. Cela pourrait répondre à l’objectif de l’UE d’une économie des données plus centrée sur l’humain et plus équitable, moins dominée par quelques grandes entreprises technologiques.
De telles plateformes sont rares aujourd’hui, mais le projet a développé une boîte à outils pour aider à les concevoir, par exemple comment produire des déclarations d’objectifs qui ne soient pas naïves, mais qui résonnent avec des personnes et des organisations partageant les mêmes idées ; comment aligner la création de valeur avec la durabilité ; et comment créer de la valeur et la partager équitablement entre les participants.
« À partir d’une situation où nous essayions de trouver des moyens de parler des écosystèmes des plateformes, en seulement six ans, nous avons abouti à des outils concrets », conclut L. Ilmola-Sheppard.
Cet article a d’abord été publié sur le site de l’IIASA.