Grâce à un inventaire de plus de 6 millions d’arbres répartis dans cinq pays, des scientifiques ont produit les premières cartes continues de la composition floristique et fonctionnelle des forêts tropicales d’Afrique centrale, ce qui leur permet d’identifier les zones les plus vulnérables au changement climatique et à la pression humaine.
L’Afrique centrale abrite le second massif de forêt dense tropicale humide au monde. Ce réservoir majeur de biodiversité s’étend principalement sur cinq pays : Cameroun, Gabon, République du Congo, République démocratique du Congo et République Centrafricaine. Il procure de nombreux services écosystémiques, comme la régulation des cycles d’échanges entre la terre et l’atmosphère, et contribue à garantir la sécurité alimentaire des populations locales.
Du fait des menaces climatiques et de la pression démographique attendues à la fin du XXIe siècle en Afrique, protéger et assurer une gestion durable de ces forêts reste un défi pour les décideurs. Cela nécessite d’améliorer les connaissances sur ces écosystèmes, notamment sur leur composition et leur vulnérabilité aux changements en cours.
Cartographier la composition et la vulnérabilité des forêts
Dans cette étude, les chercheurs ont collaboré avec des bureaux d’études et des concessionnaires forestiers afin de rassembler un jeu de données d’inventaire sans précédent de 6 millions d’arbres dans plus de 185 000 parcelles de terrain. Ils ont d’abord modélisé et cartographié les compositions floristique et fonctionnelle des forêts d’Afrique centrale et en ont déduit leur vulnérabilité, en tenant compte des scénarios climatiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et des projections démographiques des Nations Unies attendues à la fin du siècle.
« Le massif forestier d’Afrique centrale est loin d’être un tapis vert homogène. Il présente une grande diversité de types de forêts qui possèdent des caractéristiques différentes, notamment une capacité propre à stocker du carbone, précise Maxime Réjou-Méchain, écologue à l’IRD et premier auteur de l’étude. Cette diversité s’explique par les différents types de climats (humidité, température, taux d’évapotranspiration, quantité de pluies), de sols, par l’histoire de la flore africaine mais aussi par l’ampleur des activités humaines qui perturbent les forêts depuis des millénaires, comme l’agriculture itinérante. »
Des zones plus sensibles
Les chercheurs ont ensuite montré que certaines zones pourraient être plus sensibles aux changements globaux que d’autres. Par exemple, comme l’explique Bonaventure Sonké, botaniste à l’université de Yaoundé 1 et co-auteur de l’étude, « les marges forestières du Nord et du Sud de la région, les forêts atlantiques et la plupart de celles de la République Démocratique du Congo, pays qui englobe plus de la moitié des forêts d’Afrique centrale, comptent parmi les plus vulnérables. »
Les cartes et données utilisées pour cette étude, accessibles en ligne sur l’entrepôt de données du Cirad, fournissent des informations utiles pour les scientifiques sur le fonctionnement des forêts, leurs dynamiques et leur potentiel de stockage du carbone.
Des stratégies d’adaptation au changement climatique
« La diversité des types de forêts d’Afrique centrale offre un large panel de réponses potentielles aux changement globaux. Elle est donc essentielle à prendre en compte dans le cadre des politiques de gestion durable et de lutte contre le réchauffement climatique », insiste Alfred Ngomanda, écologue au CENAREST (Gabon) et co-auteur de l’étude.
« Ces résultats doivent maintenant être utilisés, valorisés et appliqués afin d’élaborer des plans d’utilisation des terres qui préservent les caractéristiques des forêts tout en maintenant des connexions entre des zones protégées, grâce à des forêts de production de bois d’œuvre gérées durablement. Là où la pression humaine est trop forte, les gestionnaires auraient la possibilité de rétablir ces connexions grâce à des programmes de restauration de la biodiversité ou de développement de l’agroforesterie », conclut Sylvie Gourlet-Fleury, écologue forestière au CIRAD, l’une des principales coordinatrices de l’étude.
Cet article a d’abord été publié par l’IRD.