La diplomatie scientifique mérite une attention particulière, car de plus en plus de questions d’intérêt national ne peuvent être traitées qu’au niveau international, avec l’aide de la science.
Billet précédent dans cette série.
Un dernier billet sur la science dans le point d’entrée des Biens communs environnementaux mondiaux dans le rapport The Future is now. Il y a vraiment beaucoup de science dans ce point d’entrée !
Nous commentons ici un encadré qui explicte plusieurs points à propos de la diplomatie scientifique. Bien que les auteurs écrivent sur la diplomatie scientifique dans le levier de transformation de la Gouvernance, comme nous l’avons déjà vu, ils consacrent également un long encadré au sujet, qui vaut la peine d’être lu en détail.
Un spectre plus large
Tout d’abord, il est toujours bon de donner une définition de ce dont on parle. Elle est courte ici, mais les auteurs expliquent que la diplomatie scientifique va aujourd’hui au-delà de la vision générale du « soft power » que beaucoup de scientifiques ont probablement à l’esprit : elle peut aussi être très spécifique à certains intérêts nationaux, qui ne peuvent être traités à l’intérieur des seules frontières nationales.
La diplomatie scientifique est devenue bien plus qu’une collaboration scientifique internationale, même si cela peut présenter un avantage diplomatique. La diplomatie scientifique est avant tout l’application intentionnelle de sciences, tant naturelles que sociales, ou d’une expertise scientifique, en vue de la réalisation d’objectifs diplomatiques. Alors que la diplomatie scientifique est apparue à l’époque de la guerre froide, lorsque les principaux acteurs ont projeté un « soft power », c’est maintenant un concept et un processus qui peut être utilisé par tous les pays, tant en développement que développés, pour promouvoir leurs intérêts nationaux directs et ceux partagés avec leurs communautés régionales et mondiales.
Pas assez de science
Ensuite, des regrets : la diplomatie scientifique n’est pas suffisamment mise en œuvre au sein des gouvernements.
Mais les structures pour une diplomatie scientifique efficace font souvent défaut. Peu de gouvernements intègrent la science dans leurs approches diplomatiques ; au contraire, ils peuvent considérer la science comme un élément servant principalement à soutenir les négociations commerciales ou sécuritaires.
Cependant, de bons exemples de diplomatie scientifique existent au niveau régional ou bilatéral, par exemple, la protection transfrontalière du gorille des montagnes en Afrique centrale ou la gestion régionale des catastrophes dans les Caraïbes.
Un réseau international
Des espoirs cependant : les conseillers scientifiques des gouvernements, en particulier des ministres des affaires étrangères, s’organisent dans le monde entier depuis quelque temps. Le Réseau international pour les conseils scientifiques aux gouvernements (INGSA) est très actif sur ce sujet.
Pour favoriser la diplomatie scientifique, un réseau de conseillers en science et technologie auprès des ministres des affaires étrangères a été créé. Il est lui-même soutenu par le réseau en pleine expansion d’universitaires et de praticiens de la diplomatie scientifique de la division « Politique scientifique dans la diplomatie et les relations extérieures » du Réseau international pour les conseils scientifiques gouvernementaux.
Et ils ne manquent pas de sujets de discussion importants. Même les gouvernements les moins intéressés par la science peuvent reconnaître qu’ils en ont besoin pour traiter ces questions pressantes.
Les questions émergentes conduisent à mettre davantage l’accent sur les objectifs mondiaux communs et donc sur la nécessité d’une diplomatie scientifique. Ces questions comprennent les nouvelles technologies, la transformation numérique et économique, la dégradation de l’environnement, la perte de biodiversité, le changement climatique et la gestion des espaces non gouvernés (par exemple, les fonds marins et l’espace).
Les défis mondiaux et régionaux qui se posent aujourd’hui face à des sociétés fracturées ou divisées bénéficieraient également d’apports scientifiques pour aider à trouver des solutions. Le paradoxe est que, tandis que la mondialisation est entravée, la nécessité de traiter les nombreux problèmes liés aux biens commun mondiaux augmente. Tous ont une dimension scientifique et, de fait, la science sera au cœur de leurs solutions et devrait être utilisée pour aider à dépasser les débats géopolitiques qui compromettent le progrès.
Faisons plus !
Enfin, les auteurs demandent une plus grande utilisation de la science dans les décisions gouvernementales, en s’appuyant sur les exemples de ce que le GIEC fait depuis un certain temps déjà sur le climat. L’IPBES est un autre exemple, plus récent, sur les écosystèmes et la biodiversité. On pourrait faire plus.
Le système politique international reçoit des avis scientifiques de haute qualité sur des sujets spécialisés (tels que les rapports du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat), mais on pourrait faire davantage pour renforcer les liens entre le système des Nations unies et la communauté des politiques scientifiques, de sorte que la science figure en permanence parmi les principaux apports. Il serait utile de réfléchir à la question de savoir si un ensemble de relations plus formelles et systématiques entre la communauté politique mondiale et la communauté scientifique pourrait être utile.
Mais il est probable que de nombreux autres obstacles, d’ordre national, et de nouvelles formes plus efficaces de contribution au sein des ministères des affaires étrangères et de la science, soient également nécessaires. La science peut aider à relever la plupart des défis politiques, et il en va de même pour de nombreux défis diplomatiques et ceux des biens communs mondiaux en particulier.
Nous espérons que IYBSSD 2022 sera vue comme une opportunité par les scientifiques, les diplomates scientifiques et toutes les personnes de bonne volonté qui croient au pouvoir de la science, pour faire des progrès dans ce domaine.