Un mécanisme atmosphérique encore jamais décrit explique l’évolution récente des pluies qui tombent sur les hauteurs du Pérou et de la Bolivie et montre que les atteintes à la forêt amazonienne pourraient affecter les pluies andines.
Sur l’Altiplano, au cœur de la cordillère des Andes, les pluies sont rares. Elles tombent principalement de décembre à mars sur cette plaine d’altitude qui s’étend du sud-est du Pérou à l’extrême nord du Chili.
« Aujourd’hui, les prévisions pluviométriques sur cette région pendant l’été austral reposent sur l’intensité et la position du « Bolivian High », anticyclone de haute altitude qui se forme au-dessus de la Bolivie », explique Jhan Carlo Espinoza, hydroclimatologue à l’IGE de Grenoble. Pourtant, ce modèle, qui a prédit avec beaucoup de succès les précipitations au siècle dernier, peine à rendre compte de l’évolution des pluies sur cette région depuis les années 2000.
Un deuxième mécanisme
C’est en analysant les variabilités des précipitations sur les Andes tropicales d’une année sur l’autre qu’Hans Segura, doctorant péruvien à l’IGE, a compris pourquoi. « Il existe en réalité un deuxième mécanisme atmosphérique qui apporte de l’humidité de l’ouest de l’Amazonie vers l’Altiplano », explique-t-il.
À l’aide de données satellitaires, corroborées par des mesures réalisées au sol, ses travaux de thèse ont confirmé qu’entre 1982 et 2002, les précipitations dépendaient principalement du « Bolivian High ». Mais après cette date, son rôle perd de l’ampleur au profit du deuxième mécanisme.
De l’Amazonie à l’Altiplano
« Ce changement est lié à une intensification du phénomène de convection atmosphérique dans l’ouest de l’Amazonie ces dernières décennies. Plus d’humidité se retrouve dans l’atmosphère avant d’être transportée vers l’Altiplano, précise Hans Segura. En conséquence, il y a moins d’épisodes de sécheresse intense sur les Andes tropicales pendant l’été austral. »
Une bonne nouvelle pour les populations locales dont la principale activité économique est l’agriculture. Mais cette évolution locale du climat n’est peut-être que provisoire.
Des pluies en sursis
Cette étude, réalisée dans le cadre du projet AMANECER qui étudie les interactions entre l’Amazonie et les Andes, souligne l’importance de la relation climatique entre ces deux régions. Or « l’occupation des sols évolue rapidement dans le bassin amazonien, notamment à cause de la déforestation », regrette Jhan Carlo Espinoza. Ce qui, à terme, pourrait affecter le phénomène de convection atmosphérique à l’origine de la légère augmentation des précipitations sur l’Altiplano.
Pour autant, à l’heure actuelle, ces travaux intéressent au plus au point les gouvernements locaux. Comprendre la variabilité climatique de cette région peut leur permettre de mieux gérer les ressources hydriques et d’anticiper les sécheresses. Pour le plus grand bénéfice des habitants de l’Altiplano.
Ce billet a d’abord été publié par l’IRD.