Ce webinaire présente différents aspects de l’importance de la biophysique pour progresser vers les ODD dans des domaines tels que la santé humaine et animale, l’agriculture ou la dépollution.
Cette session, intitulée « La biophysique au service de la santé mondiale et de la durabilité », est organisée par l‘Union internationale de biophysique pure et appliquée (IUPAB), représentée par Christina Sizun du Centre français de la recherche scientifique.
Dans son introduction, elle explique que la biophysique est une science hybride qui applique les théories et les méthodes de la physique pour comprendre les systèmes biologiques à différentes échelles. Les biophysiciens collaborent avec de nombreux domaines tels que la chimie, la physique, l’ingénierie, les mathématiques et l’informatique.
La biophysique a vu le jour au milieu du XIXe siècle, lorsqu’il a été reconnu que les systèmes vivants suivaient des règles universelles. Elle a joué un rôle crucial dans le développement d’outils tels que la spectroscopie, la microscopie et la modélisation informatique pour la biologie structurelle. La biophysique moderne implique également le suivi en temps réel de molécules, de cellules et d’organes uniques, ainsi que la modélisation multi-échelle des systèmes organiques.
La biophysique contribue aux applications médicales, notamment aux technologies d’imagerie telles que l’IRM et le scanner, aux dispositifs médicaux tels que les stimulateurs cardiaques, aux biomatériaux, à la nanobiotechnologie pour le séquençage de l’ADN et l’administration de médicaments, ainsi qu’à la surveillance de l’environnement et à la production d’énergie.
En résumé, la biophysique quantifie la biologie, encourage la collaboration interdisciplinaire, développe des méthodes innovantes et soutient les applications médicales et environnementales.
Quatre présentateurs se concentrent ensuite sur des sujets spécifiques.
Utiliser la biologie structurale et la biophysique pour concevoir des vaccins rationnels contre le paludisme
Matthew Higgins, professeur de parasitologie moléculaire à l’université d’Oxford, Royaume-Uni
La biologie structurale et la biophysique sont utilisées pour développer de meilleurs vaccins contre le paludisme ciblant le stade sanguin de la maladie. Le paludisme reste un problème de santé mondial important, causant de nombreux décès et cas, en particulier chez les enfants. La mise au point d’un vaccin antipaludique est essentielle pour lutter contre la maladie, mais elle est difficile en raison de plusieurs facteurs. Le stade sanguin du paludisme implique des processus complexes, notamment l’invasion des globules rouges par le parasite du paludisme, qu’il est difficile de cibler par la vaccination.
L’une des difficultés réside dans le fait que la machinerie responsable de l’invasion est cachée dans les organites, ce qui la rend difficile à détecter par le système immunitaire. Un autre problème est la capacité du parasite à passer d’une protéine d’invasion à une autre, ce qui lui permet d’échapper à la réponse immunitaire. En outre, le processus d’invasion est rapide, ce qui nécessite de fortes concentrations d’anticorps pour une protection efficace.
Les chercheurs ont progressé en étudiant la protéine RH5, qui joue un rôle crucial dans l’invasion. Ils ont déterminé la structure de RH5 et de ses partenaires de liaison. RH5 interagit avec le basogène, qui forme des complexes protéiques membranaires à la surface des globules rouges. RH5 fait partie d’un complexe à plusieurs composants, et la compréhension de sa structure a permis de mieux comprendre le processus d’invasion.
Afin de concevoir de meilleurs vaccins contre le paludisme, des chercheurs ont vacciné des volontaires avec des vaccins à base de RH5 et ont analysé la qualité des anticorps produits. Ils ont constaté que les anticorps qui se lient rapidement sont plus efficaces pour prévenir l’invasion. La cristallographie a révélé comment ces anticorps se lient au RH5.
Pour améliorer les candidats vaccins, les chercheurs ont développé des variantes thermiquement stables de RH5 et des versions tronquées qui se concentrent sur les épitopes clés des anticorps. Ces vaccins immunogènes sont en cours d’évaluation clinique.
De la catalyse enzymatique fondamentale à l’agriculture durable
Pimchai Chaiyen, professeur de biochimie et doyen de l’École des sciences biomoléculaires de Rayong, Thaïlande
Cette présentation aborde la recherche axée sur les réactions enzymatiques, en particulier dans le contexte des enzymes et de leurs mécanismes. La recherche s’est étendue à l’ingénierie enzymatique, à la biocatalyse, à la biologie synthétique et à l’ingénierie métabolique. L’objectif est d’appliquer ces connaissances pour relever divers défis, notamment soutenir une économie circulaire et développer des solutions pour la décontamination et la détection des pesticides.
La recherche porte sur l’étude de l’enzyme HadA monooxygénase, qui peut détoxifier les dérivés phénoliques présents dans les pesticides. Le processus enzymatique est expliqué et les applications potentielles sont mises en évidence, par exemple la synthèse de la luciférine pour la détection des pesticides par bioluminescence. La recherche vise à apporter des solutions aux problèmes liés aux pesticides, en particulier dans les pays en développement, où l’empoisonnement par les pesticides est une préoccupation importante pour les agriculteurs.
La technologie Lumos est également présentée : elle permet une détection sensible des pesticides par des mesures de luminescence, même dans des échantillons complexes comme l’urine ou le sérum. Cette technologie a des applications pratiques dans la surveillance de la contamination par les pesticides dans l’agriculture.
Dans l’ensemble, la recherche implique une collaboration multidisciplinaire et a le potentiel de relever des défis cruciaux liés à la contamination par les pesticides, à leur détection et aux pratiques agricoles durables.
La biophysique au service de la médecine respiratoire
Jesus Perez-Gil, professeur de biochimie à l’université Complutense de Madrid (Espagne)
Cette présentation traite de l’application de la biophysique dans la conception de médicaments respiratoires afin de relever les défis liés au maintien d’une grande surface pulmonaire exposée à l’environnement. Elle met l’accent sur le rôle du surfactant pulmonaire, une substance qui réduit la tension superficielle dans les poumons, facilitant ainsi la respiration. Le surfactant est essentiel pour stabiliser l’interface air-eau des poumons et se défendre contre les agents pathogènes.
Sans surfactant, une quantité importante d’énergie métabolique serait nécessaire pour respirer.
L’importance du surfactant dans le développement pulmonaire des prématurés et l’impact positif de la thérapie par surfactant exogène sur leur taux de mortalité sont mis en évidence. Des recherches sont en cours pour améliorer les matériaux du surfactant, en particulier pour les patients souffrant de lésions et d’inflammations pulmonaires, comme ceux souffrant de lésions pulmonaires liées au COVID-19.
L’exposé explore également la manière dont la recherche en biophysique est appliquée pour améliorer l’administration de médicaments par inhalation. Il est démontré que le surfactant favorise l’administration efficace de médicaments dans les régions pulmonaires profondes, améliorant ainsi les résultats du traitement. L’exposé présente des modèles in vitro et des expériences démontrant l’efficacité du surfactant dans l’administration de médicaments et la thérapie génique par inhalation.
En résumé, la présentation souligne le rôle essentiel du surfactant dans la santé respiratoire, ses applications dans le traitement de diverses pathologies pulmonaires et son potentiel d’amélioration des méthodes d’administration de médicaments, le tout soutenu par la recherche en biophysique et la collaboration interdisciplinaire.
Se préparer à la prochaine grande pandémie : est-ce possible ? Une perspective biophysique
Miguel Castano, professeur à la faculté de médecine de l’université de Lisbonne au Portugal
La présentation met en évidence les défis posés par les virus qui peuvent traverser la barrière hémato-encéphalique et affecter le cerveau et le développement du fœtus, comme le Zika. L’orateur décrit ses efforts pour développer des molécules capables de transporter des agents antiviraux vers ces zones critiques.
La présentation se termine par une discussion sur les tests in vitro et in vivo, les partenariats industriels potentiels et le rôle des biophysiciens dans la préparation et la réponse aux pandémies.