La présidente de SKAO, Catherine Cesarsky, et son directeur général, Philip Diamond, présentent le nouvel observatoire international et ses objectifs.
Vous avez tous deux une grande expérience des grands projets scientifiques et des observatoires. Selon vous, que signifie le démarrage du SKAO pour l’astronomie ?
Catherine : C’est un événement très spécial. Nous entrons dans une ère où des télescopes géants vont travailler ensemble dans les décennies à venir pour essayer de comprendre les mystères de l’Univers – SKAO en sera un élément clé.
Phil : Quel que soit l’angle sous lequel on regarde, c’est un événement important pour l’astronomie mondiale. C’est la naissance d’un nouvel observatoire, et pas n’importe quel observatoire. C’est l’une des méga installations scientifiques du 21e siècle, donc pour notre communauté, il s’agit de participer à l’une des grandes aventures scientifiques des prochaines décennies.
Le Conseil de SKAO vous a choisis comme les dirigeants qui nous guideront dans cette prochaine phase du voyage vers la construction et les opérations. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Catherine : Nous entamons en effet une nouvelle phase, et je suis ravie qu’on m’ait demandé de présider le Conseil de SKAO. Tout ce que je peux dire, c’est que j’apporterai toute l’expérience que j’ai acquise au cours de ma carrière sur de grands projets internationaux et dans de grandes installations afin de servir au mieux le Conseil.
Phil : À titre personnel, c’est merveilleux – c’est l’aboutissement d’un parcours de près de 30 ans. C’est un privilège et un honneur que les différents gouvernements, le Conseil et les membres aient cette confiance en moi. Je suis conscient du poids de la responsabilité de veiller à ce que nous tenions la promesse et les attentes des membres, de la communauté SKA et des contribuables.
Il semble que la route a été longue pour en arriver là, ce genre de délai est-il inhabituel ?
Phil : Non, ce n’est pas inhabituel ; les projets spatiaux ont des périodes de gestation similaires, tout comme les projets analogues au sol. L’observatoire ALMA au Chili a pris plus de deux décennies, des premières discussions jusqu’au début des opérations, avec le succès que l’on sait. Des projets comme le VLA ont peut-être été un peu plus rapides, mais ils ont été conçus et construits par une seule organisation bien financée aux États-Unis. Le travail de conception détaillée du SKA n’a eu lieu qu’au cours des dernières années, depuis 2013.
Catherine : Il faut avoir de la patience car ces grands projets internationaux prennent du temps pour tout mettre en place. Maintenant, nous célébrons la naissance de l’Observatoire, mais derrière tout cela, il y a de nombreuses années de travail par de nombreuses personnes dans le monde entier, ainsi que des pays qui ont eu la vision de s’impliquer profondément.
L’enthousiasme des gens pour le SKA n’a pas faibli non plus pendant ce temps…
Phil : Non et cela est vraiment illustré par l’énorme intérêt que nous avons pour la réunion scientifique SKA de 2021, où il y a eu huit fois plus de propositions de présentations que ce nous sommes en mesure d’accueillir. Si cela peut se traduire à l’avenir par une surdemande en temps d’observation, nous aurons très bien fait notre travail.
Catherine : En tant que personne extérieure – avant de m’impliquer formellement en tant que présidente du conseil d’administration de l’organisation SKA -, j’ai également été témoin d’un tel intérêt croissant au cours de la dernière décennie. L’organisation a fait du bon travail en tenant ses promesses sur de nombreux fronts depuis la décision sur le site du télescope en 2012, cimentant sa place dans les cercles politiques et recueillant la confiance des gouvernements et des décideurs, en plus de la communauté scientifique et d’ingénierie.
Nous avons parlé de l’importance de ce moment pour l’astronomie, mais l’impact plus large du SKA est également une grande préoccupation et constitue une partie importante de la proposition de construction.
Catherine : Toutes les grandes installations scientifiques, afin de développer l’instrumentation de pointe dont elles ont besoin, font des innovations et génèrent des retombées. Beaucoup d’entre elles se traduisent par des innovations qui profitent à la société dans son ensemble. Il existe d’excellents exemples : le CERN avec le World Wide Web, la radioastronomie avec le WiFi, ces deux exemples sont bien connus.
Phil: Il y a en a une autre que les gens ne connaissent peut-être pas aussi bien : sans la radioastronomie, le GPS ne fonctionnerait pas, car il a besoin des paramètres exacts de rotation de la Terre, qui sont déterminés par la radioastronomie. Il est de notre responsabilité, lorsque nous dépensons l’argent des contribuables, de maximiser le rendement pour la société. Au sein de SKAO, un grand nombre de nos partenaires s’efforcent de transformer leurs innovations en avantages pour la société et nous avons déjà vu des entreprises nées de leur travail de conception du SKA. Nous voyons également des bénéfices arriver dans les pays hôtes de nos télescopes, où les gouvernements utilisent la radioastronomie pour élever le capital humain – les gens – pour fournir une éducation et ensuite des opportunités d’emploi.
Catherine : Puis, bien sûr, il y a les avantages intangibles – les gouvernements travaillant ensemble de manière pacifique et coopérative sur un projet scientifique. Cela aide quand il y a des tensions ailleurs dans le monde, que les scientifiques et les fonctionnaires et même les ministres puissent encore se connecter sur une entreprise comme la nôtre.
Vous avez mentionné la visibilité de SKAO à haut niveau – que pouvez-vous nous dire de plus à ce sujet ?
Catherine : SKAO est visible aux très hauts niveaux du gouvernement et ce depuis plusieurs années, en raison de l’ampleur du projet, de sa nature internationale et de son grand impact scientifique et socio-économique attendu.
Phil : J’ai plusieurs exemples concrets en tête. Par exemple, je suis l’heureux propriétaire d’une lettre du Premier ministre britannique de l’époque, David Cameron, datant de l’époque de l’appel d’offres pour le siège. Nos collègues français, qui ont récemment annoncé leur intention d’adhérer au SKAO, ont dû demander cette approbation au Premier ministre français. Et le président chinois Xi a mentionné le SKA et la participation de la Chine à l’observatoire dans des discours nationaux. C’est très gratifiant que cette visibilité se traduise par un soutien fort.
Pour ce qui est de l’année en cours, elle s’annonce encore une fois très chargée pour toutes les personnes concernées. Quels sont, selon vous, les points forts ?
Phil : Il y aura de nombreuses étapes passionnantes en 2021. Nous prévoyons que la transition du personnel de l’Organisation vers l’Observatoire aura lieu en mai. Cela sera essentiel pour le fonctionnement de l’Observatoire. La prochaine étape importante que nous attendons est l’accord des membres du Conseil sur le début de la construction du SKA. Ainsi, la seconde moitié de l’année, nous nous concentrerons sur l’appel d’offres avec des contrats pour l’activité de construction, suivi, nous l’espérons, vers la fin de cette année ou au début de l’année prochaine par une grande cérémonie d’inauguration.
Nous nous attendons également à ce que davantage de pays cherchent à adhérer à SKAO dans les mois et années à venir. Qu’y gagneront-ils ?
Phil : Un pays qui rejoint SKAO rejoint l’une des grandes aventures scientifiques du XXIe siècle. C’est la science qui nous anime et qui passionne les communautés de ces pays, et bien sûr, il y a tous les avantages secondaires qui en découlent.
Catherine: Les gouvernements s’intéressent bien sûr à la science fondamentale mais aussi aux nouvelles technologies et aux innovations et il y a beaucoup d’intérêt pour le retour industriel sur les investissements nationaux. Donc, il s’agit de compétences et de renforcement des capacités, de technologie, d’innovation, de retour industriel, de transfert de connaissances et de retombées, mais fondamentalement, il s’agit d’un merveilleux voyage scientifique que nous entreprenons maintenant ensemble.
Ce billet a d’abord été publié par Contact : The SKA Magazine.