Un guide inédit des aires marines protégées va permettre à la communauté internationale de mieux comprendre la protection de l’océan et d’atteindre l’ODD 14.
L’Union internationale pour la conservation de la Nature (UICN) définit une aire marine protégée (AMP) comme un « espace géographique clairement défini, reconnu, spécialisé et géré par des moyens légaux ou d’autres moyens efficaces, visant à assurer la conservation à long terme de la nature et des services écosystémiques et valeurs culturelles qui y sont associés ». Bien que les AMP jouent un rôle central dans la conservation de l’océan, il en existe actuellement de toutes sortes, caractérisées par une grande variété d’objectifs et de réglementations.
Ainsi, certaines autorisent la pêche, l’aquaculture et l’ancrage, tandis que d’autres les interdisent. Par ailleurs, certaines AMP, bien qu’existantes, ne sont pas effectivement mises en œuvre. Faute de recommandations quant au classement des AMP ou à la définition de leurs éventuels bénéfices, on observe d’importantes incohérences à l’échelle internationale qui induisent de la confusion et ne permettent pas de mesurer précisément les résultats qu’elles produisent et l’ampleur de la protection océanique mondiale.
Une vision intégrée des AMP
C’est dans ce contexte que 43 spécialistes des sciences marines et sociales, provenant de 39 institutions réparties sur six continents, publient dans Science le premier Guide des AMP. Il fournit pour la première fois un cadre scientifique pour planifier, cartographier, suivre et contrôler de façon cohérente l’atteinte des objectifs des AMP.
Le Guide des AMP comporte quatre dimensions fondamentales. Tout d’abord, il précise les étapes du processus de mise en place d’une AMP: proposée/annoncée; qualifiée; mise en œuvre; gérée activement. Clarifier l’étape de mise en place s’avère important car la biodiversité n’est pas sauvegardée dans une AMP tant que celle-ci n’est pas mise en œuvre, respectée et gérée activement.
Différents niveaux de protection
Ensuite, le Guide propose une méthode simple pour classer une AMP selon le niveau de protection de la biodiversité qu’elle favorise: intégrale (aucune activité extractive ou destructive n’est autorisée); haute (seules les activités extractives légères sont autorisées et les autres impacts sont minimisés dans la mesure du possible); légère (une certaine protection existe, mais extraction et impacts, modérés à importants, sont autorisés); minimale (une extraction extensive et d’autres impacts sont autorisés, tandis que certains bénéfices de conservation persistent).
Par ailleurs, le Guide détaille les conditions favorables qui définissent les principes et processus nécessaires pour mener à bien la planification, la conception et la gestion d’une AMP. Enfin, il précise les bénéfices attendus, sur le plan social et en matière de conservation, en fonction de la phase de création de l’AMP, du niveau de protection donné et lorsque les conditions favorables sont réunies.
Langage commun et approche cohérente
Par exemple, les AMP sous protection intégrale ou haute protection peuvent entraîner notamment une augmentation de l’abondance et de la taille des espèces précédemment exploitées, la restauration des interactions écologiques et des habitats, l’amélioration de l’efficacité de la reproduction, une plus grande résilience dans l’AMP et un plus grand potentiel d’adaptation au changement climatique et autres changements environnementaux.
« Ce guide offre à la communauté internationale une structure unifiée, un langage commun et une approche cohérente pour enfin comprendre grâce à des données probantes la situation actuelle des mesures de protection de l’océan », explique Kirsten Grorud-Colvert, professeure associée à l’Université d’État de l’Oregon et autrice principale du guide.
Atténuer le changement climatique
« Ce guide paraît à point nommé, alors que les pays se préparent à négocier l’objectif de protéger au moins 30% des surfaces continentales et océaniques d’ici 2030 lors de la Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (COP15) qui se tiendra en Chine en 2022 », précise Joachim Claudet, directeur de recherche CNRS, co-auteur de l’étude.
« Les aires marines protégées vont contribuer non seulement à protéger la biodiversité marine mais également à atténuer le changement climatique en protégeant le domaine côtier et en renforçant la séquestration du carbone par les organismes marins. Nous avons besoin du vivant et d’écosystèmes en bonne santé pour contrer les grands défis à venir », souligne Philippe Cury, directeur de recherche à l’IRD et co-auteur de l’étude.
Accompagner la prise de décision
Le Guide des AMP se veut dynamique et sera évalué et ajusté en permanence. Des essais nationaux sont déjà en cours en France, en Indonésie et aux États-Unis, où des spécialistes des AMP s’appuient sur le Guide pour analyser et classer les aires existantes afin de faciliter la prise de décisions éclairées par les communautés et les gouvernements.
« Le Guide des AMP a été conçu pour compléter les systèmes existants, tels que les catégories d’aires protégées de l’UICN , explique Dan Laffoley, co-auteur de l’étude et vice-président chargé des questions marines de la Commission mondiale des aires protégées de l’UICN, partenaire principal du Guide des AMP. Il dresse un tableau complet de la protection offerte par une AMP et trouvera toute son utilité de l’échelle locale jusque sur la scène internationale, à mesure que les pays renforceront la protection de l’océan. »
Ce communiqué a d’abord été publié par l’IRD.