Modes de publication (partie 2)
Billet précédent dans cette série.
Dans les analyses des publications universitaires, avez-vous observé des changements dans le nombre de femmes parmi les auteurs au fil du temps ?
La réponse est clairement oui. En mathématiques, il est remarquable de souligner que la proportion de femmes parmi les auteurs d’articles scientifiques a augmenté régulièrement, passant de moins de 10% pour les cohortes des années 1970 à plus de 27% aujourd’hui. Et la tendance à l’augmentation en physique et en astronomie est similaire.
Y a-t-il une réduction au fil du temps de l’écart entre les femmes et les hommes dans les modalités de publication ?
Les taux d’abandon, qui étaient autrefois plus élevés pour les femmes, convergent vers des valeurs similaires pour les deux sexes. Pendant de nombreuses années, on a observé un « écart de productivité », c’est-à-dire une disparité dans les performances universitaires des chercheurs et des chercheuses. L’écart de productivité se réduit, bien que dans les cohortes récentes, cette tendance montre des signes de stagnation. En physique théorique et en mathématiques, les femmes des cohortes 1995-2005 publiaient à un taux de 85 à 90% de la production de leurs homologues masculins après 10 ans de carrière universitaire active. En astronomie et en astrophysique, les chiffres sont encore plus équilibrés, les femmes astronomes publiant à un taux de 95% de la production des hommes.
Que peut-on dire de l’écart entre les femmes et les hommes en termes de publications dans les différentes disciplines ?
Il est notable que la proportion de femmes rédigeant des articles dans les meilleures revues a augmenté de manière significative en astronomie et en astrophysique ainsi qu’en chimie. Toutefois, elle est restée stable dans les revues de premier plan en mathématiques et en physique théorique et à un niveau très bas, inférieur à 10%, ce qui est nettement inférieur à la proportion globale de femmes parmi les auteurs d’articles.
Il semble exister une tendance à la baisse du nombre de femmes parmi les auteurs dans les disciplines et sous-disciplines théoriques, tandis qu’une présence plus importante est constatée dans les domaines appliqués et collaboratifs. La question se pose donc de savoir quel est le rôle joué par les collaborations de recherche et dans quelle mesure les réseaux universitaires plus larges aident les carrières des femmes.
Dans quels pays avez-vous observé les plus fortes proportions de femmes ?
En astronomie et en mathématiques, les pays ayant les proportions relatives les plus élevées de femmes sont situés en Europe. L’Allemagne et la France ont un poids scientifique important dans ces deux disciplines, en particulier en astronomie et en astrophysique. Les pays d’Europe de l’Est et du Sud-Est sont également relativement forts en termes de présence des femmes. L’Italie, la Turquie, la Roumanie et les pays des Balkans comme la Bulgarie, la Serbie et la Croatie sont particulièrement remarquables.
Les États-Unis occupent une position de premier plan dans la production de la recherche scientifique dans son ensemble et, fait intéressant, la contribution de leurs mathématiciennes et femmes astronomes ne s’écarte pas beaucoup de la moyenne tous sexes confondus. En Amérique du Sud, la situation la plus positive pour les femmes se trouve en Argentine.
Il n’y a que très peu de pays d’autres continents où les femmes sont relativement bien représentées : en particulier, pour la participation de l’Afrique, soit il y a trop peu de données pour fournir des statistiques significatives, soit les femmes sont fortement sous-représentées, en particulier en astronomie et en astrophysique. En Iran, en Inde et en Chine, les femmes représentent une minorité dans ces deux disciplines, mais surtout en astronomie. Dans la plupart des pays asiatiques, la présence des femmes est très faible. Une exception positive dans les deux domaines semble provenir du Pakistan.
Étant donné l’objectif du projet, votre étude des modes de publication a été principalement orientée vers l’obtention d’informations sur l’écart entre les femmes et les hommes. Que pouvez-vous dire des modes de publication en général ?
Nos méthodes permettent d’observer l’évolution des modes de publication à l’échelle mondiale : le rôle des collaborations et la proportion d’articles d’un seul auteur ou autrice, la répartition géographique des réseaux scientifiques et la diversité des pratiques entre les différentes disciplines. Elles ouvrent une gamme fascinante de problèmes de recherche.
Outil interactif sur les modèles de publication.
Marie-Françoise Roy et Colette Guillopé