Aujourd’hui que les sources de lumière repoussant les limites de la recherche et de l’innovation, il est important de ne laisser aucune région dans l’obscurité. Le projet LAAAMP (Lightsources for Africa, the Americas, Asia and Middle East Project) vise à améliorer l’accès à ces installations peu nombreuses et complexes.
Grâce à LAAAMP, les chercheurs de régions dépourvues de synchrotron acquièrent une expérience pratique et sont mis en relation avec des experts travaillant auprès de telles sources de lumière. En 2019, des équipes du Mexique et d’Égypte sont venues à la source de lumière avancée (ALS) pendant deux mois avec le soutien de LAAAMP pour étudier des cellules solaires et des momies.
Des rayons X mous pour les cellules solaires
Julio Villanueva-Cab et Alfredo Romero-Contreras de l’université autonome Benemérita de Puebla, au Mexique, utilisent la lumière au sens littéral. Ils sont venus à l’ALS pour travailler avec Wanli Yang sur des cellules solaires plasmoniques à colorants. « Il y a eu beaucoup de travaux théoriques et expérimentaux sur les propriétés structurelles du semi-conducteur d’oxyde de titane, explique J. Villanueva-Cab, mais rien n’a été prouvé expérimentalement dans le dispositif. »
À l’ALS, ils ont essayé d’établir la relation entre les propriétés structurelles et électroniques des dispositifs. « Les gens croyaient que le fait de mettre des nanoparticules métalliques dans la matrice semi-conductrice ne changeait rien à la structure, précise J. Villanueva-Cab, mais nous avons pu prouver que ce n’était pas vrai. » Ils sont revenu à l’ALS pour prolonger leur projet de l’année précédente.
Dans les cellules solaires, les photons « chargent » les matériaux en excitant leurs électrons. Les capacités de rayons X mous de la ligne de lumière 8.0.1 ont permis aux chercheurs de voir directement les états des électrons, élément essentiel de la performance d’un matériau.
Matériaux nanostructurés
« Contrairement aux cellules solaires ordinaires avec des matériaux solides massifs, explique J. Villanueva-Cab, ce sont des matériaux nanostructurés qui ont une plus grande surface, donc les rayons X mous sont plus utiles. » Leurs échantillons d’oxyde de titane contenaient des pourcentages variables de nanoparticules d’or, et l’absorption optique variait en conséquence.
Citant les molécules de colorant adsorbées sur la surface de l’oxyde de titane, il a expliqué que l’inspiration de ces dispositifs est la photosynthèse chez les plantes. Comme les matériaux peuvent être transparents ou de différentes couleurs, ils pourraient un jour être utilisés comme vitres de fenêtres, écrans de téléphones portables, ou dans un certain nombre d’autres applications.
Découvrir les secrets des os de momies
Ahmed Elnewishy et Mohamed Kasem, de l’Institut national des sciences avancées par laser (NILES) de l’université du Caire en Egypte, fouillent dans l’histoire, mais contrairement à leurs collègues archéologues, ils n’utilisent pas de pelles : ils utilisent des sources de lumière. A. Elnewishy et M. Kasem ont obtenu des échantillons d’os de momies âgés de 2 000 à 4 000 ans provenant de toute l’Égypte et de quatre dynasties différentes : le Moyen Empire, la Deuxième période intermédiaire, la Période tardive et la période gréco-romaine.
A. Elnewishy et M. Kasem étaient impatients d’apporter leurs échantillons à l’ALS pour travailler avec Hans Bechtel et Eric Schaible. « L’expertise et les installations sont formidables », se réjouit A. Elnewishy, citant le large éventail de techniques, l’accès à une préparation personnalisée des échantillons et l’expertise du personnel.
Différencier la surface du centre
La question sous-jacente à laquelle ils espèrent répondre est de savoir si l’état des os est dû à des facteurs environnementaux dans le sol (diagenèse) ou à des habitudes lorsque le sujet était vivant (biogenèse). « Les os se comportent comme des archives, explique M. Kasem, nous avons trouvé du plomb, de l’aluminium et d’autres éléments qui indiquent comment étaient l’environnement et la toxicité à l’époque. »
Les échantillons d’os provenaient de la partie médiane et de la tête du fémur des momies. « La tige du fémur est plus résistante à la dégradation et à la diagenèse, explique A. Elnewishy, contrairement à la tête de l’os, qui est spongieuse. »
La structure du collagène
En utilisant la technique SAXS/WAXS sur la ligne de lumière 7.3.3, ils ont pu étudier la structure du collagène dans les os, où la structure moléculaire peut se désorganiser avec le temps. « Le collagène se détache et sort des fibres », explique M. Kasem. Ils ont pu comparer les scans de la surface de l’os, qui est entrée en contact avec le sol, avec les scans du noyau, où la dégradation serait due à la biogenèse.
En utilisant la FTIR à la ligne de lumière 1.4, ils ont obtenu une empreinte moléculaire qui leur permettra de comparer des os de différentes dynasties. Leurs données sont un élément important de la préservation du patrimoine culturel, en particulier dans la perspective du très attendu Grand Musée égyptien de Gizeh, dont l’ouverture est prévue pour 2020.
Des études à venir pour les deux équipes
Après avoir mené des expériences sur l’ALS, les chercheurs du LAAAMP ont tous des idées pour de futures études utilisant une source de lumière synchrotron. Dans le but d’améliorer l’efficacité des cellules solaires à colorants, A.Romero-Contreras a discuté d’une option écologique. « Nous voulons avoir une fabrication “verte”, donc nous essayons d’utiliser de l’eau, mais nous ne connaissons pas les effets sur les propriétés structurelles de l’oxyde de titane, donc nous devons trouver la réponse. » Avec J. Villanueva-Cab, ils espèrent envoyer d’autres échantillons et revenir à l’ALS.
A. Elnewishy et M. Kasem prévoient également d’autres recherches au synchrotron, en particulier après qu’un chercheur de l’ALS ait suggéré d’utiliser des os modernes pour comparer. Ils auront également l’occasion d’appliquer leurs expériences plus près de chez eux. « L’idée est d’établir une communauté scientifique qui peut utiliser SESAME », a déclaré M. Kasem, citant la source de lumière synchrotron récemment ouverte en Jordanie. Grâce aux efforts de l’ALS, des chercheurs du monde entier et d’organisations comme LAAAMP, la communauté scientifique mondiale s’éclaire chaque jour un peu plus.
Cindy Lee
Cet article a d’abord été publié (en anglais) par ALS News ©Lawrence Berkeley National Laboratory