Sur la base de membranes à nanopore unique, une équipe a mis au point une méthode de test qui détecte le SRAS-CoV-2 dans la salive, sans prétraitement de l’échantillon, en seulement 2 heures.
En reliant différentes technologies, une équipe interdisciplinaire de scientifiques du département de recherche sur les matériaux du GSI Helmholtzzentrum für Schwerionenforschung, du Conseil national de la recherche scientifique et technique (CONICET) en Argentine et de l’université de l’Illinois, aux États-Unis, a mis au point un capteur nanopore très sensible qui détecte spécifiquement les virus SARS-CoV-2 et les adénovirus humains dans une variété de spécimens, notamment la salive, le sérum ou les échantillons environnementaux tels que les eaux usées.
Le capteur combine deux composants clés : un nanocanal sensible et des molécules d’ADN hautement spécifiques fixées à la surface du canal. Selon les groupes de recherche, la méthode est aussi précise que les tests PCR, mais plus simple et plus rapide, fournissant des résultats en moins de deux heures. Les résultats sont publiés dans la revue Science Advances.
Fabrication de membranes avec des nanopores
La technologie de fabrication de membranes avec des nanopores uniques a été développée au GSI depuis de nombreuses années. Des films polymères minces sont irradiés avec un projectile individuel d’ions lourds à haute énergie (par exemple, un ion d’or de 1 GeV) à l’accélérateur linéaire UNILAC. Lorsque l’ion traverse le film, il crée une trace nanoscopique qui est convertie en un nanocanal ouvert par gravure chimique.
Le diamètre précis et la forme du canal sont ajustés par les paramètres de gravure. Pour ce travail, des nanopores asymétriques avec une petite ouverture de moins de 50 nanomètres ont été fabriqués. La petite taille et la géométrie spécifique assurent un niveau de sensibilité particulièrement élevé pour les processus de transport à travers le canal.
Sélectivité du capteur
La sélectivité du capteur est assurée par un processus de sélection in-vitro de fragments d’ADN, appelés aptamères, qui sont incorporés dans le nanopore. Ces aptamères sélectifs peuvent non seulement reconnaître le virus spécifique mais aussi différencier l’état d’infectivité du virus.
Les aptamères utilisés ici ont été développés par Ana Sol Peinetti lors de son travail de chercheuse postdoctorale à l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign. Connaissant bien la technologie des nanopores du GSI grâce à son précédent séjour dans le groupe d’Omar Azzaroni, à l’Institut de recherche théorique et appliquée en physicochimie (INIFTA, CONICET-UNLP) (Argentine), elle a combiné avec succès les deux technologies.
Virus infectieux et non-infectieux
Le fait que cette méthode puisse distinguer les virus infectieux des virus non infectieux constitue une innovation essentielle, selon les scientifiques. Les tests PCR bien connus détectent le matériel génétique viral mais ne peuvent pas distinguer si un échantillon est infectieux, ou si une personne est contagieuse.
Les seuls tests qui peuvent actuellement détecter les virus infectieux sont les tests sur plaque. Ils nécessitent une préparation spéciale et des jours d’incubation avant de fournir des résultats, alors que le nouveau capteur aptamère-nanopore donne des résultats en 30 minutes à deux heures, et ne nécessite aucun prétraitement de l’échantillon.
Statut d’infectivité du virus
Lire l’état d’infectivité d’un virus permet non seulement de savoir si les patients sont contagieux ou non, mais offre également un moyen de savoir si certaines stratégies d’inactivation fonctionnent réellement.
« Avec Omar Azzaroni et Ana Sol Peinetti (aujourd’hui chef de groupe à l’Institut de chimie, de physique des matériaux, de l’environnement et de l’énergie, à Buenos Aires), nous collaborons à un nouveau projet, où, sur la base de ce nouveau capteur, l’efficacité de divers protocoles d’inactivation des virus sera testée », déclare Maria Eugenia Toimil-Molares, chef du groupe de nanotechnologie des traces d’ions au GSI.
Capteur au-delà de la pandémie
La technologie des nanocapteurs a également un grand potentiel au-delà de la pandémie de COVID-19. «Pour détecter d’autres virus, il faut chercher le pool de molécules qui servent d’aptamères ; de nouvelles molécules pour de nouveaux virus. Nous avons même l’intention d’obtenir des aptamères capables de discerner les différents variants du SRAS-Cov-2 », explique A. S. Peinetti.
Dans l’article, les auteurs démontrent également la détection d’adénovirus humains infectieux, responsables de maladies respiratoires d’origine hydrique dans le monde entier.
La technologie des nanopores du GSI
Au-delà de la détection de virus, la technologie des nanopores de GSI est à la base d’autres options de capteurs. De nombreux groupes dans le monde développent des stratégies de fonctionnalisation spécifiques pour conférer des fonctionnalités sélectives aux capteurs à nanopores. Les nanopores des membranes ioniques sont très polyvalents car ils peuvent être modifiés pour répondre à de nombreux changements externes différents, tels que la température, le pH, la lumière, la tension ou la présence d’espèces ioniques, de molécules ou de médicaments spécifiques.
Au cours des dernières années, plusieurs plateformes de nanocapteurs très sensibles ont été développées en collaboration avec les collègues d’INIFTA. « Notre vision est d’intégrer la membrane nanopore fonctionnalisée dans un dispositif portable pour la détection et le diagnostic rapide et efficace des virus », déclare Christina Trautmann, responsable du département de recherche sur les matériaux du GSI.
Cet article a d’abord été publié par GSI.