Certaines transformations visant à mettre les sciences fondamentales au service du développement durable peuvent être controversées. Quels sont les principaux points à débattre ?
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Ce que dit le rapport The Future is Now sur les transformations nécessaires pour que la science de la durabilité puisse être développée devrait également être un sujet de discussion entre les scientifiques. En particulier, la façon dont la science est organisée a été principalement mise en place par les pratiques des sciences fondamentales.
Même si la façon de faire des sciences fondamentales a évolué au cours des dernières décennies, certaines habitudes sont fortement ancrées, et il ne sera pas facile de les changer. Encourager l’engagement des scientifiques dans l’interaction science-société, peut par exemple être considéré comme contradictoire avec l’excellence scientifique.
Pour que la science de la durabilité puisse réaliser son potentiel, il faut que les universités et les autres institutions de recherche et de formation fassent l’objet d’ajustements importants. Les chercheurs individuels et les initiatives de recherche dans les domaines concernés devraient s’inscrire dans des projets de recherche collective et des programmes holistiques plus vastes. Les partenariats de recherche à long terme peuvent identifier des questions de recherche pertinentes sur le plan social, générer des connaissances significatives et combler le fossé entre la connaissance et l’action. Les chercheurs s’engagent souvent dans de nouvelles plateformes et de nouveaux processus expérimentaux à l’interface science-société-politique, y compris ceux initiés par des mouvements sociaux plus larges. Le contexte actuel de la politique scientifique et sociale décourage souvent ce type d’engagement.
Nouveaux critères d’évaluation
La stratégie à suivre est également un sujet de discussion important. Après tout, la science de la durabilité devrait-elle chercher à devenir un domaine scientifique « normal » ? En particulier, les carrières universitaires devraient-elles se fonder sur le nombre de publications et de citations de ces publications ? Et comment la contribution des scientifiques aux transformations de la société pourrait-elle être évaluée et comparée de manière équitable ?
Un apport important de la scientométrie et, plus généralement, des sciences sociales, sera nécessaire à cet égard. Et il faudra qu’il soit pris au sérieux par les scientifiques de tous les domaines, afin qu’ils puissent élaborer ensemble des politiques fondées sur des résultats scientifiques.
Lorsqu’ils examinent les propositions de financement, les évaluateurs appliquent souvent des critères disciplinaires spécialisés plutôt que de considérer l’ensemble intégré. Le domaine est encore relativement jeune, de sorte que la science de la durabilité en tant que discipline manque de reconnaissance, et ses chercheurs n’ont pas encore établi de groupes de pairs puissants ou de revues plus reconnues. Cela a des conséquences, car les carrières universitaires sont encore généralement fondées sur le nombre de publications et de citations dans des revues à fort impact et évaluées par des pairs, plutôt que sur les contributions des chercheurs à la transformation de la société.
Accélérer l’évolution
Enfin, les auteurs semblent adopter la position de Max Planck selon laquelle « une nouvelle vérité scientifique ne triomphe pas en convainquant ses adversaires et en leur faisant voir la lumière, mais plutôt parce que ses adversaires finissent par mourir, et qu’une nouvelle génération grandit en la connaissant. » Ici aussi, une contribution des sciences sociales pourrait aider à discuter des changements nécessaires et des moyens de les accélérer (sans attendre la mort des générations précédentes !).
On s’inquiète également des capacités et des compétences des scientifiques. Les universitaires établis peuvent ne pas avoir les capacités de concevoir et de mettre en œuvre des efforts de recherche en collaboration, et peuvent manquer des compétences, des aptitudes, du temps et des autres ressources nécessaires. Les chercheurs socialement engagés peuvent donc avoir du mal à combiner une carrière universitaire et un engagement à l’interface science-société.
À suivre.