Dans une nouvelle étude, des chercheurs ont analysé comment le libre-échange continental et le développement agricole pourraient garantir une sécurité alimentaire durable pour l’Afrique.
Actuellement, environ un cinquième de la population africaine ne dispose pas d’une alimentation suffisante pour être en bonne santé. Une grande partie de l’approvisionnement alimentaire du continent dépend des importations internationales, ce qui présente des risques en raison de l’incertitude des marchés alimentaires mondiaux. Les efforts déployés par le passé pour accroître la production agricole en Afrique consistaient principalement à créer de nouvelles terres de culture au lieu d’intensifier les rendements, ce qui a entraîné une dégradation de l’environnement et une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
Comme la population du continent devrait doubler d’ici 2050, il est essentiel de trouver une solution durable pour répondre à la demande alimentaire croissante. La modernisation et l’intégration régionale des systèmes agricoles et alimentaires sont une solution possible pour éliminer la faim, assurer une croissance durable de la production et induire une transformation économique plus large en Afrique.
Afin d’identifier les meilleurs moyens de réaliser ces développements et d’évaluer les obstacles potentiels, une équipe de recherche internationale dirigée par la KU Leuven et l’IIASA a analysé les impacts potentiels de deux développements critiques – l’intégration commerciale continentale et le développement agricole local.
GLOBIOM
Dans l’étude publiée dans Nature Food, l’équipe a utilisé le modèle de gestion globale de la biosphère de l’IIASA (GLOBIOM) pour modéliser les secteurs de l’agriculture, de la foresterie et de la bioénergie dans huit régions d’Afrique. Ils ont analysé plusieurs scénarios différents, notamment un scénario de développement agricole, où le rendement des cultures est intensifié et les coûts du commerce local sont réduits, ainsi qu’un scénario où le libre-échange est établi au sein du continent.
« Notre article établit de nouvelles frontières dans la recherche sur les systèmes alimentaires », explique l’auteur principal de l’étude, Charlotte Janssens, chercheuse à la KU Leuven et chercheuse invitée du groupe de recherche IIASA Integrated Biosphere Futures. « Les études précédentes se sont concentrées soit sur les effets du commerce continental, soit sur les impacts du développement agricole sur la durabilité. Notre étude examine les deux composantes dans un cadre de modélisation cohérent. »
Le libre-échange seul ne sera pas suffisant
L’équipe a constaté que le libre-échange à lui seul ne contribuera pas à résoudre le problème de la faim et des émissions de gaz à effet de serre, car l’intégration commerciale ne fera qu’entraîner la délocalisation de la production. Toutefois, dans le cadre du scénario de développement agricole, la balance commerciale de l’Afrique avec le reste du monde s’est améliorée, et la sous-alimentation a été presque entièrement éliminée d’ici à 2050. Les changements d’affectation des terres associés ont tout de même entraîné une légère augmentation des émissions de gaz à effet de serre, qui devra être compensée par une conception minutieuse des politiques.
« Notre contribution est d’autant plus opportune que l’accord historique de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) est entré en vigueur en 2021 et que ses stratégies nationales de mise en œuvre se déploient actuellement sur tout le continent », explique M. Janssens.
Lorsque les chercheurs ont combiné le libre-échange avec le développement agricole, ils ont constaté que la réduction des importations extérieures de denrées alimentaires était encore renforcée, et que les gains de production et de commerce étaient plus équitablement répartis entre les régions africaines.
Libre-échange et politiques agricoles
Dans ce contexte, les résultats de l’étude devraient inciter les décideurs politiques à se concentrer sur les investissements dans le développement agricole, parallèlement à l’intégration commerciale actuelle.
« Dans l’ensemble, nous démontrons que l’alignement du libre-échange continental et des politiques locales de développement agricole sera crucial pour atteindre simultanément les objectifs en matière de commerce, de sécurité alimentaire et de climat. Une coopération étroite entre les domaines politiques du commerce africain est donc cruciale », conclut l’auteur de l’étude, Petr Havlik, qui dirige le groupe de recherche Integrated Biosphere Futures à l’IIASA.
L’IIASA a d’abord partagé cet article.