Pour stimuler l’adaptation au climat, les experts affirment que des « collaborations radicales entre les communautés et la recherche » sont nécessaires.
David Kitavi est le fondateur et directeur du centre pour enfants Ushirika, une école située au cœur du quartier informel de Kibera, dans la banlieue de Nairobi, la capitale du Kenya. Son rôle le place au cœur de la vie du centre, où il interagit régulièrement avec les parents et les élèves.
« De nombreux enfants de cette école sont vulnérables et viennent de familles pauvres, explique Kitavi à SciDev.Net lors d’une visite du centre. Beaucoup de parents en prises avec des difficultés financières ont migré des zones rurales à la recherche d’un emploi pour tirer un revenu pour leur famille. »
Beaucoup de ces familles ont migré des zones rurales après que leur occupation principale – l’agriculture – n’ait pas fourni un revenu suffisant pour répondre à leurs besoins. Ces familles, explique Kitavi, ont été frappées par des sécheresses prolongées qui ont entraîné de faibles rendements agricoles, notamment pour les aliments de base comme le maïs et les haricots.
« Nous avons réalisé qu’il était nécessaire de donner aux familles vulnérables les moyens de s’adapter au changement climatique et d’améliorer la sécurité alimentaire », explique M. Kitavi.
Le rôle du réseau ARIN
Kitavi s’est donc mis en relation avec le réseau ARIN (Africa Research and Impact Network), basé à Nairobi, un réseau de plus de 200 chercheurs et décideurs politiques issus de 36 pays qui s’efforcent de partager les recherches susceptibles d’aider les communautés à s’adapter au changement climatique.
Grâce à une micro-subvention de l’Alliance pour la recherche sur l’adaptation (ARA), un réseau mondial de chercheurs et d’organisations spécialisés dans l’adaptation, ARIN a mis en place des laboratoires d’adaptation communautaires dans certains quartiers informels de Nairobi. Les micro-subventions sont de petites sommes d’argent conçues pour aider à stimuler les activités au niveau national et à accroître la résilience climatique des communautés.
« Par le biais des laboratoires communautaires, nous voulions faire comprendre le risque climatique au niveau communautaire afin de guider la planification du risque climatique, en particulier pour les villes, explique Charles Tonui, chargé de recherche à ARIN et au Centre africain d’études technologiques (ACTS). Il y a beaucoup de bon travail en cours au niveau communautaire qui pourrait aider à l’adaptation au changement climatique, mais il n’est pas bien décrit au niveau politique », dit Joanes Atela, l’organisateur d’ARIN et chef du programme des économies résilientes au climat à ACTS.
Une réponse au risque
ARIN a regroupé les voix de plus de 3 000 personnes, dont 150 organisations communautaires des quartiers informels de Nairobi, ainsi que des décideurs du gouvernement et de la société civile qui se concentrent sur l’adaptation au changement climatique.
« Nous constatons que l’interprétation du risque climatique par les pauvres des villes est différente de celle des décideurs politiques et même de la société civile, explique M. Tonui. Dans le quartier informel de Mukuru, le risque climatique n’a pas été pris en compte dans la planification de la zone par le gouvernement local. Nous nous sommes également rendu compte que l’intégration du risque climatique fait défaut dans de nombreuses villes d’Afrique ».
Jesse DeMaria-Kinney, chef du secrétariat de l’ARA, affirme que les personnes à la base doivent être des partenaires égaux des communautés politiques et de recherche lorsqu’il s’agit de générer et d’appliquer des connaissances efficaces en matière d’adaptation.
« Ce que l’ARA appelle la « collaboration radicale » aidera les chercheurs à mieux comprendre le problème auquel ils sont confrontés dans toute sa complexité, de sorte que la collaboration sera plus utile et mieux adaptée aux besoins des communautés ou des autres utilisateurs finaux », explique M. DeMaria-Kinney. De telles collaborations ont besoin de temps pour se développer car il est peu probable qu’elles naissent après un seul atelier ou une seule réunion. Les solutions d’adaptation au changement climatique nécessitent de nouvelles approches ».
Un besoin crucial de collaborations
Selon M. Atela, il existe de nombreuses possibilités de transformer les plates-formes qui répondent aux urgences en plates-formes durables, basées sur la communauté, qui dirigent l’apprentissage des risques climatiques. M. Tonui indique que 14 bénéficiaires actuels du programme ARA basés en Afrique organisent des conférences hebdomadaires et mensuelles dirigées par les communautés pour partager des expériences et des idées sur l’adaptation au changement climatique. Au total, 25 micro-subventions ont été accordées par le programme ARA en Afrique, en Asie et en Amérique latine.
Selon M. DeMaria-Kinney, l’approche de l’adaptation dirigée par la communauté implique la mise en pratique de principes de recherche axés sur la création d’un impact, les chercheurs établissant des relations avec les parties prenantes, de la politique à la pratique.
« Ces relations, dit-il, visent à créer des projets qui sont motivés par les besoins des communautés réagissant au changement climatique, tout en soutenant le développement des capacités à long terme et la réduction des inégalités structurelles. Une telle collaboration nécessite un investissement initial en temps pour établir et renforcer la confiance, explique-t-il.Le changement climatique affecte les communautés à des rythmes différents à travers le monde, et nous devons utiliser les preuves et l’expertise des multiples types de connaissances qui existent afin de trouver des réponses appropriées.»
En galvanisant des collaborations radicales, explique DeMaria-Kinney, les membres de la communauté qui utiliseront les outils d’adaptation font partie des équipes de recherche, tandis que les chercheurs participent à la mise en œuvre sur le terrain : « En conséquence, les actions d’adaptation auront des impacts qui répondent aux besoins des personnes les plus touchées par le changement climatique.»
Un besoin urgent d’adaptation
Selon Atela, l’adaptation au changement climatique est très spécifique au contexte et doit répondre aux besoins d’une zone spécifique. Elle doit également tenir compte de la diversité des communautés vulnérables dans les pays du Sud, notamment les enfants, les femmes, les communautés marginalisées et les immigrants.
Albert Salamanca, chercheur principal au Centre Asie de l’Institut de l’environnement de Stockholm, explique que les communautés ont leurs propres connaissances et systèmes de connaissances, qui sont particulièrement étendus parmi les peuples indigènes, de nombreuses communautés possédant des connaissances écologiques traditionnelles en propriété collective.
« En tant que tels, les scientifiques – en particulier ceux qui sont formés à la science occidentale – doivent comprendre l’existence de cette forme de connaissances et offrir des possibilités de les utiliser dans des situations d’adaptation, explique Salamanca à SciDev.Net. En d’autres termes, ce dont nous avons besoin, c’est que les deux parties se rencontrent à mi-chemin et explorent les moyens par lesquels leurs systèmes de connaissances indépendants peuvent se renforcer mutuellement, plutôt que de se nier.» Si cela se produit, dit-il, l’emploi de pratiques d’adaptation sur le terrain aura plus d’impact et de sens.
« L’adaptation est locale », ajoute M. Salamanca. « Les groupes et les communautés rencontrent des situations qui les obligent à adapter l’endroit où ils vivent et gagnent leur vie.»
Pour DeMaria-Kinney, des collaborations soutenues entre chercheurs, communautés et décideurs pourraient être la clé du développement des outils dont les communautés ont besoin pour s’adapter au changement climatique.
Par Gilbert Nakweya
Cet article a été extrait de SciDev.net.