Paul Woafo, professeur à l’Université de Yaoundé 1, reçoit la médaille 2020 de l’IUPAP pour sa contribution exceptionnelle à l’amélioration de la physique dans les pays en développement.
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Pour ses nombreuses contributions exceptionnelles au développement de la physique au Cameroun et sur le continent africain, notamment la fondation de la Société camerounaise de physique, la co-organisation de plusieurs collaborations de recherche entre le Cameroun et d’autres pays, la fondation du service Sci-Tech pour faciliter la recherche sur des sujets de développement local, et l’organisation d’une série de conférences internationales sur les applications de la physique aux problèmes de la vie réelle dans les pays en développement.
Paul Woafo est né le 12 janvier 1965. Il est actuellement professeur de physique et directeur du Laboratoire de modélisation et de simulation en ingénierie, biomimétique et prototypes à l’université de Yaoundé I, au Cameroun. Toute sa formation s’est déroulée au Cameroun, du niveau primaire au niveau du doctorat. Il a soutenu son Doctorat de spécialité (3e cycle) en 1992 et son Doctorat d’État en 1997.
La dynamique des solitons topologiques
L’excellence de son travail s’est traduite par un grand nombre d’articles dans des revues de physique de premier plan, dont J. Physics : Condensed Matter, Physical Review B, Solid State Communications, et J. Physics and Chemistry of Solids. Le sujet principal de ses recherches pour ses deux doctorats était la dynamique des solitons topologiques courts dans divers matériaux, y compris les matériaux ferroélectriques, les matériaux liés à l’hydrogène, la physique des surfaces et les systèmes biologiques.
Après son recrutement comme maître de conférences à l’Université de Yaoundé en 1992, son travail acharné lui a permis d’être promu dans les rangs universitaires, jusqu’à sa nomination au rang de professeur titulaire en 2005.
Une influence de premier plan sur la physique camerounaise
P. Woafo est l’une des principales influences de nombreux physiciens camerounais. Il a supervisé avec succès 53 doctorats et un grand nombre de mémoires de maîtrise. Ceci est révélateur du caractère positif d’une classe de scientifiques qui parviennent toujours à faciliter le travail des jeunes chercheurs. Ce travail de supervision de P. Woafo s’est étendu au Bénin, à la République centrafricaine et en dehors de l’Afrique.
La plupart de ses anciens doctorants sont des physiciens respectés travaillant au Cameroun et à l’étranger, et beaucoup sont professeurs et directeurs de recherche, ayant énormément bénéficié des opportunités scientifiques offertes par leur directeur de thèse.
Recherche fondamentale et appliquée
P. Woafo dirige actuellement un groupe de recherche qui mène des travaux fondamentaux et appliqués en mettant l’accent sur la modélisation, les simulations numériques, les études expérimentales et la réalisation de prototypes de dispositifs à usage industriel, domestique et sanitaire.
P. Woafo est l’auteur d’environ 250 articles dans des revues internationales à comité de lecture dans divers domaines de la physique fondamentale et appliquée. En raison de ses contributions scientifiques intensives et étendues, il a joué un rôle majeur dans un certain nombre d’organisations scientifiques et il a reçu de nombreuses distinctions et prix.
Collaborations internationales dans le monde entier
Outre ses activités de mentorat et d’encadrement des étudiants, P. Woafo a favorisé des thèmes d’enseignement qui ont eu un fort impact sur le développement de la recherche en physique au Cameroun et dans la région. Ses engagements dans la formation d’étudiants de maîtrise et de doctorat sur la manière de mener à bien des simulations numériques, des travaux expérimentaux et, plus récemment, des simulations par le biais de technologies intégrées sont particulièrement significatifs.
La plupart de ses doctorants actuels et anciens ont bénéficié des collaborations établies par P. Woafo avec des collègues d’autres pays d’Afrique (Afrique du Sud, Bénin et Nigeria), d’Europe (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie et Norvège), d’Amérique (Brésil, Canada et États-Unis) et d’Asie (Inde). Ces bénéfices ont pris la forme de l’encadrement de doctorats, de visites de recherche et de postdoctorats.
ICTP et von Humboldt
Toutes ces activités de recherche ont permis à P. Woafo d’être admis dans des institutions prestigieuses, telles que le Centre international Abdus Salam de physique théorique, où il a obtenu le statut de membre associé (grades junior, régulier et supérieur), et la Fondation Alexander von Humboldt en Allemagne, où P. Woafo a été accepté en tant que Humboldtien en 2007. Cela lui a également donné l’occasion de collaborer à des recherches avec des collègues de plusieurs pays et d’être élu membre de la Commission C3 de physique statistique de l’IUPAP.
La générosité de P. Woafo dans le partage des connaissances scientifiques a été étendue à la communauté des physiciens camerounais grâce à sa forte implication dans la création et la gestion de la Société de Physique du Cameroun. En 2006, avec six autres physiciens, P. Woafo a initié la création de la Société, reconnue par le gouvernement camerounais en 2007. Au cours de ses premières années d’existence, de 2006 à 2013, P. Woafo a dirigé la Société, qui compte aujourd’hui plus de 150 membres.
Conférences de physique au Cameroun
Tout en dirigeant la Société, P. Woafo a engagé des physiciens camerounais dans l’organisation de la première conférence nationale en 2007 pour améliorer la situation de la physique au Cameroun. Il a ensuite institué une conférence internationale bisannuelle sur la physique de haut niveau à faible coût et les solutions aux problèmes de la vie réelle dans les pays en développement. L’objectif principal de cette conférence est de présenter des résultats et de lancer des activités de recherche sur des sujets de haut niveau qui peuvent être abordés à l’aide de théories, d’expériences et d’applications dans des pays aux ressources limitées, et qui peuvent produire des résultats publiables dans d’excellentes revues de physique et/ou avoir un impact sur le développement technologique, économique et social des pays en développement.
Cette conférence, qui a été la seule réunion permanente pour les physiciens au Cameroun, a attiré des physiciens de différentes parties du monde, notamment d’Afrique, des Amériques et d’Europe. La sixième édition de cette conférence internationale a eu lieu en novembre 2019.
Sections d’étudiants camerounais
Parallèlement à la Société camerounaise de physique, P. Woafo a initié la création de trois sections d’étudiants camerounais liées, respectivement, à la Société des ingénieurs en photonique et en instrumentation (SPIE), à la Société optique d’Amérique (OSA) et à l’Institut des ingénieurs en électronique et en électricité – Société de photonique (IEEE). Par l’intermédiaire de ces sections, P. Woafo a organisé des formations spéciales afin de donner aux étudiants diplômés et aux post-doctorants les moyens d’agir, non seulement dans le domaine principal de l’optique et des applications, mais aussi dans les technologies embarquées, les simulations numériques et le développement de carrière.
En tant que point focal du Cameroun pour l’Année internationale de la lumière en 2015, Paul Woafo a organisé, avec le professeur Yanne Chembo Kouomou, un atelier sur la recherche en optoélectronique, optomécanique, matériaux optiques, optique non linéaire, télécommunications optiques et cellules solaires. L’atelier a réuni une centaine de participants d’Afrique, d’Europe et d’Océanie.
Les femmes en photonique
Par ailleurs, Woafo a organisé en 2017 une réunion intitulée Femmes en photonique, lors de laquelle plus de 25 jeunes physiciennes de différentes universités camerounaises se sont réunies pour discuter de questions liées à l’éducation et à la recherche en photonique et des difficultés rencontrées par les femmes engagées dans des études de sciences dures.
Très sensible au manque de formation expérimentale dans les écoles secondaires et les universités, P. Woafo a créé en 2013 un centre scientifique privé appelé Sci-Tech Services pour promouvoir la science expérimentale, renforcer les capacités des scientifiques dans plusieurs domaines et mener des activités de recherche technologique. Ce centre a assuré plusieurs formations pratiques pour les étudiants, un soutien aux universités, un appui à l’organisation de formations spécialisées pour les étudiants en master et en doctorat, et a ouvert ses portes à de jeunes scientifiques désireux de mener des expériences lors de leurs activités de formation et de recherche.
Challenge pour la physique expérimentale
En raison du manque d’équipement scientifique dans la plupart des universités et des lycées du Cameroun, P. Woafo est devenu l’organisateur local du Challenge Physique Expérimentale Afrique. Ce concours est soutenu par l’Association française pour la promotion scientifique de l’Afrique, la Société camerounaise de physique, l’Académie des sciences du Cameroun, la Société française de physique et la Société européenne de physique.
La première édition s’est achevée le 8 décembre 2017 par la remise des prix à quatre instruments expérimentaux appropriés et peu coûteux : un banc didactique pour les expériences électriques et électroniques, un laboratoire de physique intégrant l’utilisation d’écrans de téléphones portables comme oscilloscopes, un générateur de signaux spéciaux et un suiveur solaire. La deuxième édition a eu lieu en 2019 et a débouché sur de nouveaux instruments fabriqués localement par de jeunes Africains : une ferme intelligente qui utilise un dispositif technologique intégré pour surveiller et commander les paramètres environnementaux d’un élevage de volailles au moyen de téléphones portables ou d’ordinateurs, un banc didactique pour la formation expérimentale en optique géométrique, un banc didactique pour la formation expérimentale en électronique combinatoire et séquentielle, et un instrument pour la surveillance environnementale des particules, des gaz dangereux et des rayonnements gamma.
Académie des sciences du Cameroun
P. Woafo a été élu membre de l’Académie des sciences du Cameroun en 2006. En 2016, il a été élu doyen du Collège des sciences mathématiques et physique/ingénierie de l’Académie des sciences du Cameroun. L’un des principaux rôles de l’Académie des sciences du Cameroun est de fournir des conseils indépendants au gouvernement camerounais sur les questions liées à l’organisation de l’éducation et de la recherche en sciences pour le développement du Cameroun.
Au sein de l’Académie des sciences du Cameroun, P. Woafo a été nommé responsable de la création de l’Académie des jeunes scientifiques du Cameroun (CAYS), qui a été officiellement lancée en 2018. P. Woafo travaille également à la création de l’Académie des sciences du Cameroun – Centre d’éducation scientifique pour l’Afrique, la Méditerranée et l’Europe (CAS-CESAME), qui est un centre consacré à la promotion de l’enseignement scientifique fondé sur la recherche.
Société africaine de physique
Au niveau continental, P. Woafo a été l’un des fondateurs de la Société africaine de physique à Dakar en 2010 et a été élu comme l’un de ses vice-présidents. En matière de politique scientifique, P. Woafo a joué plusieurs rôles au sein du Ministère de l’Enseignement Supérieur, du Ministère de la Recherche et de l’Innovation Scientifique et de l’Académie des sciences du Cameroun. Enfin, Paul Woafo est souvent interviewé dans les journaux, à la radio, à la télévision et lors de conférences sur les moyens d’organiser de manière optimale les activités scientifiques au Cameroun et dans le reste de l’Afrique.
Ce billet a d’abord été publié par la Lettre d’information de l’IUPAP.