Une personne sur cinq dans le monde dépend des espèces sauvages pour ses revenus ou son alimentation. C’est pourquoi, selon les auteurs d’un rapport historique, il faut donner la priorité à une utilisation plus durable de ces espèces afin d’atteindre les objectifs de développement des Nations unies.
Les espèces végétales et animales sauvages, dont les plus pauvres du monde dépendent pour se nourrir, doivent être utilisées de manière plus durable afin d’atteindre les objectifs de développement mondiaux, affirment les auteurs d’un rapport historique de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).
Des milliards de personnes, tant dans les pays développés que dans les pays en développement, dépendent de la flore et de la faune sauvages pour leurs besoins quotidiens en nourriture et en énergie, et souvent pour leurs moyens de subsistance, souligne le résumé du rapport d’évaluation sur l’utilisation durable des espèces sauvages à l’intention des décideurs politiques.
Crise mondiale de la biodiversité
Mais l’accélération de la crise mondiale de la biodiversité, qui voit un million d’espèces de plantes et d’animaux menacées d’extinction, menace ces contributions aux populations, indique le rapport.
Jean-Marc Fromentin, chercheur à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, a déclaré lors d’une conférence de presse à Bonn : « Avec environ 50 000 espèces sauvages utilisées par le biais de différentes pratiques, dont plus de 10 000 espèces sauvages récoltées directement pour l’alimentation humaine, les populations rurales des pays en développement sont les plus menacées par une utilisation non durable, l’absence d’alternatives complémentaires les contraignant souvent à exploiter davantage les espèces sauvages déjà en danger.»
L’évaluation, dont l’élaboration a duré quatre ans et coûté près d’un million de dollars, fournit des informations, des analyses et des recommandations pour une utilisation plus durable des espèces sauvages et pour encourager la biodiversité.
Selon les auteurs
On parle d’utilisation durable lorsque la biodiversité et les fonctions de l’écosystème sont maintenues tout en contribuant au bien-être de l’homme, selon les auteurs.
Marla Emery, l’une des coordinatrices du rapport et conseillère scientifique à l’Institut norvégien de recherche sur la nature, a déclaré que 70 % des pauvres dans le monde dépendaient directement des espèces sauvages.
« Une personne sur cinq dépend des plantes sauvages, des algues et des champignons pour son alimentation et ses revenus ; 2,4 milliards de personnes dépendent du bois de chauffage pour cuisiner et environ 90 % des 120 millions de personnes travaillant dans les pêcheries de capture sont soutenues par la pêche à petite échelle », a-t-elle déclaré.
Contribution à la réalisation des ODDs
Mme Emery a déclaré que l’analyse montrait comment l’utilisation responsable de ces ressources pouvait apporter une « contribution très importante » à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies.
« Cette évaluation montre qu’en fait, il y a beaucoup plus de possibilités pour l’utilisation durable des espèces sauvages de contribuer à la réalisation d’objectifs tels que l’éradication de la faim… la vie durable sur terre, sur les zones terrestres, et la vie durable dans l’eau, dans les océans », a-t-elle ajouté.
Le résumé contient les contributions de 85 experts internationaux de 33 pays, dont des chercheurs en sciences naturelles et sociales et des détenteurs de savoirs autochtones et locaux, ainsi que 200 auteurs.
Selon Mme Emery, ce sont les connaissances et les contributions des populations autochtones et locales concernant leurs habitudes alimentaires, leurs coutumes et leurs moyens de subsistance « qui rendent le rapport encore plus pertinent ».
Ramiro Batzin, co-président du Forum international des indigènes sur la biodiversité, a salué le rapport, mais a déclaré à SciDev.Net que la solution aux problèmes de durabilité doit passer par « le dialogue entre les différents systèmes de connaissances, dans le respect et la reconnaissance mutuelle, et la participation pleine et entière des peuples indigènes à la prise de décision ».
Pêche durable
Dans la plupart des cas, l’utilisation d’espèces sauvages a augmenté, mais la durabilité de cette utilisation varie considérablement, indiquent les auteurs, qui évoquent l’utilisation de plantes pour la médecine et l’exploitation forestière pour les matériaux et l’énergie.
Citant la pêche comme exemple, M. Fromentin a déclaré : « Des estimations mondiales récentes confirment qu’environ 34 % des stocks de poissons sauvages marins sont surexploités et que 66 % sont exploités dans les limites de la durabilité biologique. Mais dans ce tableau global, il existe d’importantes variations locales et contextuelles. Les pays où la gestion des pêches est rigoureuse ont vu leurs stocks augmenter en abondance. La population de thon rouge de l’Atlantique, par exemple, s’est reconstituée et est désormais exploitée dans les limites de niveaux durables.»
La menace de la surexploitation
Pour les pays et régions où la gestion de la pêche est peu intensive, M. Fromentin indique que l’état des stocks est souvent mal connu, mais qu’on estime généralement qu’ils sont inférieurs à l’abondance qui optimiserait une production alimentaire durable.
« De nombreuses pêches à petite échelle ne sont pas durables ou ne le sont que partiellement, notamment en Afrique pour les pêches continentales et marines, et en Asie, en Amérique latine et en Europe pour les pêches côtières », a-t-il déclaré.
John Donaldson, coordinateur du rapport et ancien directeur en chef de la recherche, de l’évaluation et du suivi de la biodiversité à l’Institut national sud-africain de la biodiversité, a déclaré que la surexploitation était l’une des principales menaces pour la survie de nombreuses espèces terrestres et aquatiques.
« S’attaquer aux causes de l’utilisation non durable et, dans la mesure du possible, inverser ces tendances, permettra d’obtenir de meilleurs résultats pour les espèces sauvages et les personnes qui en dépendent », a-t-il déclaré.
Science et durabilité
Le rapport souligne qu’un certain nombre d’autres facteurs exercent une pression sur les espèces sauvages et les communautés qui les utilisent, notamment les modifications du paysage terrestre et marin, le changement climatique, la pollution et les espèces exotiques envahissantes.
Il indique qu’en l’absence d’une réglementation efficace des chaînes d’approvisionnement – du niveau local au niveau mondial – le commerce international continue d’accroître la pression sur les espèces sauvages, entraînant une utilisation non durable, voire l’effondrement des populations sauvages, comme dans le cas du commerce des ailerons de requin.
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