Pour atteindre les objectifs des Nations unies en matière de lutte contre des maladies liées au mode de vie, il faudra investir en moyenne 18 millions de dollars par an.
Selon une analyse mondiale, la réalisation des objectifs des Nations unies en matière de lutte contre des maladies telles que le cancer, les maladies cardiaques et le diabète d’ici 2030 nécessitera un investissement moyen de 18 millions de dollars par an, en ciblant les politiques visant à réduire le tabagisme, l’abus d’alcool et les régimes alimentaires malsains.
Ces maladies et d’autres maladies non transmissibles, notamment les accidents vasculaires cérébraux et les maladies respiratoires chroniques, tuent chaque année 41 millions de personnes dans le monde, 77 % des décès survenant dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, selon les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Progrès des pays concernant l’ODD 3.4
La majorité des pays n’ont guère progressé vers l’objectif de développement durable (ODD) 3.4, qui vise à réduire d’un tiers les décès prématurés dus à ce type de maladies entre 2015 et 2030, selon un article publié le 26 mars 2022 dans The Lancet. Mais l’objectif pour la plupart de ces maladies pourrait encore être atteint avec la bonne combinaison d’interventions, ce qui permettrait de récolter d’énormes bénéfices financiers.
Le document sur la politique de santé présente 21 interventions recommandées pour aider 123 pays à revenu faible ou intermédiaire à atteindre l’objectif des ODD, mais prévient que la communauté mondiale pourrait avoir besoin d’une aide technique et financière substantielle.
La politique des pays en matière de lutte contre les MNT
Cherian Varghese, l’un des auteurs du document, du département des maladies non transmissibles (MNT) de l’OMS à Genève, en Suisse, a déclaré à SciDev.Net : « Les pays qui ont pris des mesures politiques, législatives et réglementaires, y compris des mesures fiscales, pour la prévention et le contrôle des MNT, ainsi que des systèmes de santé solides et inclusifs, ont obtenu les meilleurs résultats contre ces maladies. Dans ces pays, les personnes vivant avec et affectées par les MNT sont plus susceptibles d’avoir accès à des services MNT efficaces, y compris la protection contre les facteurs de risque, le dépistage de l’hypertension et du diabète, le traitement des MNT et un suivi et des soins cohérents et de qualité ».
15 millions de décès prématurés
Selon l’OMS, environ 85 % des 15 millions de décès prématurés dus à des maladies non transmissibles chez les personnes âgées de 30 à 69 ans surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. L’augmentation de ces maladies est attribuée principalement à la sédentarité, aux régimes alimentaires malsains, à la consommation de tabac et à l’usage nocif de l’alcool.
En 2015, les ODD ont été repris par les Nations unies comme un « appel universel à l’action » pour mettre fin à la pauvreté et assurer « la paix et la prospérité » pour tous d’ici 2030. L’ODD 3 traite de la vie saine et du bien-être. La cible 3.4 vise à réduire d’un tiers les décès précoces dus aux MNT d’ici à 2030 par la prévention et le traitement, et à promouvoir la santé mentale et le bien-être.
Atteindre la cible des ODD d’ici à 2030
Katie Dain, l’un des auteurs du document et directrice générale de la NCD Alliance, une organisation non gouvernementale basée en Suisse, affirme que tous les pays peuvent atteindre ou presque l’objectif des ODD d’ici 2030 « en introduisant un ensemble rentable d’interventions de prévention et de traitement des MNT ».
« L’essentiel est que les gouvernements peuvent récolter des bénéfices économiques substantiels, à court et à long terme, en prenant des mesures audacieuses contre les MNT et en assurant ainsi la viabilité budgétaire de leurs systèmes de santé », a-t-elle déclaré à SciDev.Net.
Pour atteindre l’objectif au niveau mondial, un investissement supplémentaire de 140 milliards de dollars est nécessaire entre 2023 et 2030, soit une moyenne de 18 milliards de dollars par an, estiment les auteurs. Selon eux, cela permettrait d’éviter 39 millions de décès au cours de cette période – notamment par crise cardiaque ou accident vasculaire cérébral – et de récolter des bénéfices économiques de 2 700 milliards de dollars.
Une « aide catalytique » nécessaire
Selon les experts, une « aide catalytique » de la part des agences internationales de développement est nécessaire, parallèlement aux dépenses nationales des gouvernements, pour atteindre cet objectif. Mais les contraintes budgétaires des pays à faible revenu, exacerbées par la pandémie de COVID-19, ont fait de l’investissement national un défi.
Mayowa Owolabi, doyen de la faculté des sciences cliniques de l’université d’Ibadan, au Nigeria, a déclaré à SciDev.Net : « Ces coûts représenteraient une part considérable du budget de la santé [d’un pays]. La mobilisation de ressources supplémentaires serait nécessaire dans les pays à faible revenu et à revenu moyen inférieur. »
Owolabi a expliqué que les défis à relever pour atteindre la cible de l’ODD 3.4 comprennent le manque de sensibilisation, les faibles taux de détection ou de diagnostic, les faibles taux de traitement et le mauvais contrôle de maladies telles que l’obésité et l’hypertension.
« Il est nécessaire d’adopter une approche multipartite et multisectorielle basée sur la population, incluant les décideurs politiques, les patients et l’ensemble de la population tout au long de la vie », a-t-il ajouté. « Il s’agira notamment d’intervenir sur le mode de vie, de créer un environnement favorable aux activités physiques et de mettre en place une chaîne de valeur alimentaire saine pour prévenir de multiples MNT. »
Des politiques pour réduire les risques comportementaux
Selon le document, les interventions spécifiques visant à accélérer les progrès peuvent varier selon les pays et les régions. Mais les politiques visant à réduire les risques comportementaux, notamment le tabagisme, la consommation nocive d’alcool et l’apport excessif en sodium, sont pertinentes pour tous les pays et peuvent réduire le besoin de services cliniques coûteux.
Selon M. Varghese, les maladies non transmissibles doivent faire partie des plans nationaux de préparation et d’intervention. « Les effets économiques de la pandémie [COVID-19] auront probablement un impact à long terme sur la prévention et le contrôle des MNT », a-t-il déclaré.
Les initiatives du gouvernement ne suffisent pas
Suvadip Chakrabarti, consultant en chirurgie oncologique à l’Apollo Cancer Centre de Kolkata, en Inde, estime que les initiatives gouvernementales ne suffisent pas à elles seules à résoudre le problème, en particulier dans les pays aux ressources limitées.
Il estime que le changement de comportement au niveau individuel est essentiel. « En Inde, les cancers liés au tabac représentent un patient sur trois dans les [services de consultations externes des hôpitaux]. Le gouvernement peut prélever des taxes, renforcer les programmes de dépistage et augmenter le nombre de centres anticancéreux, mais [il est également important que] la population dans son ensemble prenne conscience et s’abstienne de consommer du [tabac]. »
Par Sanjeet Bagcchi
Ce rapport a été publié pour la première fois sur SciDev.net.